10/04/2007
Rambaud m'a tuer (3) Vas-y dégaine John Wayne, voir ?
Ça n'a décidément ni queue, ni tête cette histoire. Et puis ça n'intéresse personne. Il faut que je me ressaisisse. Ou alors j'arrête. Je pourrais peut-être essayer de me concentrer sur un thème de société, un sujet de réflexion - c'est pas facile tous les jours de rigoler et de travailler en même temps, c'est un sujet qui me travaille beaucoup, justement, ces temps-ci. C'est peut-être le printemps : à d'autres, ça donne des allergies au pollen, des inflammations libidineuses et autres pulsions de jardinage, eh bien, moi, ça me turlupine la posture.
Sinon, je change de nom. Ou de site.
Et pourquoi pas de pays non plus, tant qu'on y est ?
Ou de métier. Il n'y a pas que burelier comme métier dans la vie, non plus. Il y aussi les grands espaces sauvages, le plaisir de ramener le bétail au ranch le soir venu, d'occire un ou deux Cheyennes en route avec mon nouveau flingo - peut-être même toute la tribu comme dans Le dernier Samouraï, si t'es un peu en avance sur le match, sur le chemin du retour ; mais bon, après ça te donne des remords et ça finit par te gâcher le match, résultat, t'es bien avancé.
Je me souviens un jour, le lendemain de Nöel, j'en avais fait un super beau de revolver avec des legos, bariolé de toutes les couleurs, et là, à peine je le pointe dans le couloir que Joss Randall, mon frère - oui, encore lui - qui avait anticipé sur l'attaque à cause du fait qu'il étudierait les sciences de l'ingénieur plus tard, il me met un coup de karaté dessus et il m'explose mon pétard tout neuf, le bougre, encore plus impitoyable que Clint dans Eponyme.
A ce moment-là, j'ai bien senti, malgré mes protestations larmoyantes - oui bon, on ne peut pas être un héros tous les jours non plus, voyez Spiderman ou Zorro, ces types ont des moments de faiblesse et, à bien y réfléchir, c'est ce qui leur permet d'accéder au statut de héros, et c'est d'ailleurs ce qui fait la supériorité de Michel Rocard sur Arnold Schwarzenegger -, que ma mère s'en foutait bien que j'aye plus de pétard.
Peut-être même qu'elle était contente, au fond. Ce qui, entre nous, et bien que ma mère se montre généralement très empathique et responsable, est un peu léger comme attitude - peut-être qu'elle ne se rendait pas bien compte à l'époque, ou qu'elle n'avait pas une conscience du danger aussi aiguisée que nous - vu qu'on aurait mieux défendu la maison à deux qu'à tout seul, chacun un côté comme dans Rio Bravo. Car, naturellement, mon père avait encore autre chose à faire qu'à défendre le ranch, genre couper du bois, aller à la chasse au bison ou mettre de l'essence dans les chevaux de la voiture.
Il y a des enfances difficiles.
Et donc, là, vengeance, ça va flinguer pour de bon, les gars. Avec un peu de chance, il n'y en aura pas un qui parlera français en Amérique et je pourrais encore passer pour un type sérieux.
- Hellooo, pleaaase to meeeet yoooou ! My name is Oliver B.
(Cette manie de faire des mots comme des phrases : obligé de faire pareil, mais à la longue, ça diphtongue.)
- Oliver... bo... Bonaze ?
- Vas-y cowboy, t'as dit quoi ? Vas-y, bo quoi ?
- Oh sorry ! I think I've egratigned your naze...
("Egratigned ton naze", ah ah ah, n'importe quoi ! Ils parlent tous américain comme toi dans ta famille ?)
- What ?
- Vas-y, dégaine John Wayne, voir ?
A moins qu'il y en ait un de vicieux qui aille me persifler dessus sur TBS en prime time, juste avant "Everybody loves Raymond". Mais ça ferait quand même peu chevaleresque, très rapporteur et inamical comme comportement ; et, quand on m'attaque, je ne sais pas bien pourquoi au juste mais, après avoir tout de même vérifié qu'il s'agissait bien d'une intention consciente et délibérée et non d'une erreur malencontreuse, je massacre - genre Genghis Khan, à côté, on dirait Martine fait de la bicyclette. Et encore, sans prendre trop de risques dans les virages.
J'insiste tout de même sur le point de la vérification préalable car, dans ce genre de profils psychologiques, c'est un trait suffisamment singulier pour être mentionné et qui fait toute la différence entre Don Corleone et son fils aîné qui, manifestement, a le cervelet en forme de testicules ou, pour être tout à fait précis pour les lecteurs férus de science anatomique, les deux flocculus entre la valvule de Vieussens et l'amygdale cérébelleuse en forme de pédicules testiculaires avec, dans le cas qui nous occupe, une inflammation erysipéllitique aiguë autour de la valvule de Tarin, bref, résumé cette fois pour le lecteur pressé, et comme on dit à Bourail : le cerveau qui barre en couille.
Quant à savoir d'où me vient ce sens, tout de même un peu exagéré, des représailles massives - et qui n'a rien à voir, est-il besoin de le préciser, avec le fil conducteur de ce récit -, c'est un mystère, sur lequel je vois bien qu'il va me falloir, dans la foulée, pousser plus avant l'investigation.
07:45 Publié dans L'amour en Vénétie au temps des Brigades rouges | Tags : rocard, swcharzenegger, clint eastwood, zorro, genghis khan | Lien permanent | Commentaires (0)
C'est joli l'Alaska (quand est-ce qu'on rentre ?)
On n'imagine pas comment, en dehors du bureau, la vie est semée d'embûches. J'aurais dû m'en douter en arrivant sur Chicago : pas moyen d'apercevoir la ville dans la purée de pois du dessous. Comme à la Tour Montparnasse, les jours de brouillard.
On a beau dire, ça donne quand même des compétences solides, quatre ans dans le même bureau. Moi par exemple, je suis devenu incollable sur la météo. D'autant que j'ai appris sur le tard que j'avais un éminent homonyme météorologue. Au point d'errance professionnelle où j'en suis rendu, pas question de me faire voler ce business prometteur : je me suis lancé illico dans un bulletin quotidien, d'ailleurs apprécié de mes premières abonnées, même si pour démarrer dans le métier, je me suis d'abord concentré sur le temps de la veille. Je ne dis pas que c'était très utile, mais ça détendait un peu, les jours maussades.
Tant que j'y suis, j'ai aussi acquis une connaissance, pour ne pas dire une ouïe très fine du conflit social : elles passaient toutes dans le coin, les manifs, pas moyen d'y échapper. Je finissais par les identifier à l'oreille, comme un garagiste ausculte un moteur. C'est comme ça que j'ai bien vu qu'il était en panne l'ascenceur social. Et, au 52ème étage de la Tour Montparnasse, social ou pas, quand on parle d'ascenceur, forcément, tu tends l'oreille, parce que l'escalier de la précarité à mille cinq cents marches, merci bien : pour le descendre, passe encore, ça se fait assez vite, je m'en rends bien compte en ce moment. Mais pour remonter la pente après, bonjour, je ne vais pas tarder à m'en apercevoir non plus d'ailleurs, s'ils continuent à me persécuter comme ça, les services de l'immigration - j'y viens.
Du coup, à l'arrivée dans la ville du vent, on prend le même tarif météo que d'habitude : deux heures de retard pour bifurquer sur l'Ohio. Mais ç'aurait pu être pire : le type de l'immigration - on aurait dit Jackie Chan - a voulu me renvoyer chez moi direct. Au début, j'ai pensé à le défier en combat singulier. Finalement, je lui ai laissé une chance, ça n'aurait pas été humain comme combat, vu que j'ai fait du karaté dans ma jeunesse - médaille de bronze de Do shotokan en coupe de Seine-Maritime. Rien que le titre des fois, ça paralyse mes adversaires, je l'avais bien senti déjà, dans China Town, à New York, il y a trois ans : pas un pour relever le défi, les lâches. Bruce Lee au fond, c'est un peu comme de Gaulle : au début, on a l'impression qu'ils sont plusieurs, et on voit bien qu'au premier truc sérieux, il n'y a plus personne. Et encore moins pour prendre la relève derrière.
J'ai eu beau lui expliquer que je croyais vraiment en Dieu, que j'étais pour un renforcement massif (mass reinforcements) des forces armées en Irak et qu'accessoirement, je n'avais plus de chez moi au pays de Jacques Chirac, il n'a rien voulu savoir. Depuis le collège, si ce n'est pas depuis l'école primaire, j'ai un vrai don pour énerver les gens de l'administration, moi, c'est dommage que ce soit pas un métier. Bon, j'aurais pas dû prononcer le nom de Jacques Chirac non plus, j'ai l'impression que ça l'a énervé encore plus - pire que nous. Surtout depuis sa dernière déclaration métaphysique chez Drucker sur la vie après la politique de la mort ou quelque chose de ce genre, je n'ai pas bien compris, on aurait dit la blague de Raffarin sur le référendum. Sauf que ça sent un peu le revenant annoncé, cette déclaration fumeuse, et le roussi avec par la même occasion. Si ça continue comme ça, quand on reviendra, il ne restera plus que le Parc Astérix, la poste et Hippopotamus.
Finalement, Anny, qui a dû elle aussi de nouveau justifier son job par la même occasion, a ressorti mon billet retour, et ça a fini par le faire. Au moins temporairement : Jackie Chan m'a donné six mois, pas un jour de plus. Soit c'est une blague - mais ça en n'avait pas trop l'air -, soit c'est un point qu'il va falloir regarder sérieusement, et vite fait, avec l'avocate d'Abercrombie. Ou alors, c'est un coup de ma mère.
Mais, sur l'échelle de la survie, ce n'est pas le plus grave.
Le lendemain de notre arrivée à Columbus, j'ai crû qu'à la suite d'une regrettable erreur on était remonté vers l'Alaska au lieu de descendre sur l'Ohio... Une tempête de neige a pris en écharpe tout le nord-est des Etats-Unis, de Saint-Louis et Minneapolis jusqu'à Washington et à la pointe nord-est du Maine. Sur le coup de midi, tous les occupants de la holding financière en face de l'appartement à Easton ont commencé à décamper et, chez Abercrombie & Fitch, ils ont fait pareil. La tempête de neige s'est bientôt muée en une saleté de tempête de glace : une pluie de cristaux durs comme des gravillons, qui viennent se coller sur les routes, les vitres, les tôles et, accessoirement, sur le premier français sorti descendre les poubelles - ils ont quand même la tempête revancharde dans le coin.
Les rues se sont peu à peu vidées, et un escadron de chasse-neige a bientôt pris le relais en quadrillant tout ce qui ressemblait de près ou de loin à une route ou à une place de parking. Drôle de concert : le jour, celui des raclettes des automobilistes qui s'acharnent à décoller la glace ; la nuit, le doux va-et-vient des trucks qui traquent le flocon. Encore heureux qu'il n'y ait pas eu de clandestins dans les parages, avec le bruit des flingues, on n'aurait pas fermé l'oeil de la nuit.
Ce matin encore, la température avoisinait les - 10°. Pour la Saint-Valentin, je m'étais dit comme ça qu'on aurait pu aller courir tout nus dans les bois alentour - une sorte de ressourcement primitif, une inspiration primale (chaque fois que je lis un psychanalyste - en l'occurence, le dernier bouquin de Pontalis, sur le vol aller -, ça me fait le même effet : c'est vraiment n'importe quoi la psychanalyse). Réflexion faite, on attendra le printemps. Ou alors, c'est que pour courir. Enfin, si on n'est pas morts de froid d'ici là. Ou dévorés par un ours blanc - il paraît que c'est arrivé il y a quelques semaines par ici, à un arrêt de bus. Depuis, je guette les ours blancs à la fenêtre et le premier qui montre patte blanche, je l'attaque à la raclette anti-gel.
J'avais noté dans ma cleck-list de faire une présentation de mon business en arrivant. Vu la tournure que prennent les événements, je vais plutôt commencer par mon testament. Peut-être même par un projet d'épitaphe alternative : "dévoré par un ours dans l'Ohio", je sens que ça ne va pas le faire. C'est ma grand-mère qui va bien rigoler : elle va croire que c'est encore un truc qu'on lui raconte pour voir si elle capte encore quelque chose du monde en général, et de sa descendance en particulier. Descendance aux enfers du Jour d'après, oui. D'ailleurs, je m'attends à voir passer un paquebot d'un moment à l'autre devant la maison, juste avant l'ours.
Il n'y a pas à dire, on n'est pas tous égaux devant le réchauffement climatique.
07:20 Publié dans Du rififi chez les Yankees | Tags : Chirac, Jackie Chan, immigration, météo, Pontalis, ours | Lien permanent | Commentaires (0)
Chaos
Il a d'abord fallu boucler les dernières formalités avec mon conseiller spécial à l'ANPE, celui qui s'y connait vraiment bien en communication. Franchement, je ne sais pas où ils ont été le chercher celui-là. Un as. Tandis qu'à côté, un jeune homme essayait d'obtenir une autre offre auprès de sa conseillère à cause du stress lié aux objectifs trop ambitieux qu'on lui fixait dans l'électroménager, moi, je renseignais pour la troisième fois mon formulaire métier avec l'aide de mon nouvel animateur de carrière. Une heure d'attente, autant pour remplir la fiche. A la fin, je demande quand même à quoi ça va servir ce papier. - "Mais à rien, me répond-il très gentiment, c'est juste pour nos bases de données".
Il a aussi fallu sauver le déménagement in extremis. D'abord contre le type qui avait quasiment vidé et emballé la cave n°7. Alors que la mienne, c'est la n°6 - la tête qu'il a fait lorsque je lui ai annoncé. Et puis contre FO Val-de-Marne aussi, qui commençait à chauffer le pavé de la manif des fonctionnaires au carrefour des Gobelins avant de remonter vers Montparnasse en chantant : "Je n'veux plus être exploité, je n'veux plus être sous-payé, je veux juste travailler, et puis c'est tout". C'était sur l'air de "Je ne veux plus travailler". J'ai trouvé ça malheureux comme rapprochement, et pas extrêmement bien inspiré. Encore que. En tout cas l'objectif, c'était de faire partir le container avant le démarrage de la manif, parce qu'après, le chauffeur, il ne répondait plus de rien. Quand la cargaison est finalement partie avec juste quelques mètres d'avance sur FO Val-de-Marne, je me suis senti soulagé. Je ne me doutais pas encore que ma doudoune n'avait pas rempli les documents pour l'embarquement au Havre - c'est son côté artiste.
On ne peut rien faire contre l'art en marche, mais ça reste difficile à faire passer, comme idée, auprès de la douane.
Avec mon concierge aussi, on a sympathisé sur la fin du déménagement. Un ancien de la légion et des forces spéciales, mon concierge. On le voit bien à ses oreilles décollées comme deux parachutes. Quand il parle au téléphone, il dit "affirmatif" et "terminé", et on sent bien qu'après ça il vaut mieux plus lui demander un nouveau truc. On a sympathisé devant le frigo qu'il a accepté de stocker dans la loge, vu que personne n'en voulait de mon frigo. C'est là que j'ai appris qu'en fait, le COS était aussi présent en Irak. "- Ah bon, que je lui fais, en décollant avec lui les étiquettes des dernières courses sur le devant du frigo, ils utilisent aussi le coefficient d'occupation des sols là-bas ? Remarquez, ça doit être utile pour le nouveau plan d'urbanisme à Bagdad. - Non, qu'il me répond, le COS, c'est le centre d'opérations spéciales. On ne le dit pas, mais ils opèrent en Irak, les gars, en ce moment". La vache, si ça se trouve, ils se sont répartis les rôles : Villepin comme représentant à l'ONU, et lui comme cerveau des opérations au QG de la loge, dans l'ombre.
Et c'est vrai qu'elle n'est pas très bien éclairée la loge.
Dans les interstices de ce chaos, il y eut quelques heureux moments de détente. Une virée Quai de Seine tout en douceur avec Charlotte pour plonger, avec Libero, dans le monde de Tommasino - vu avec des yeux d'enfant, le monde des adultes est tout de même très décevant, non ? Quelques très bons dîners italiens avec Poune chez Swann et Vincent et aux Cailloux. Une pause chez Pascale et Philippe, entre Marcello et Minus (j'ai bien cherché, mais à ce stade, il n'y a pas moyen de l'appeler autrement, Minus, même s'il a du potentiel ce p'tit gars, ça se voit bien) ; et puis, une Number One sauvée des eaux pour la route, ça n'a pas de prix, à deux pas du Luxembourg. Chez Jack et Melissa l'autre soir aussi, dans leur nouveau home retapé, comme un chef par Giacomo himself, de la rue de Turbigo ; ne jamais oublier de parler des trucs importants, comme par exemple des moyens de dynamiter proprement le Sushi Bar illégal du dessous, avec Jack avant 22h00 ; après, il s'endort.
Et puis une dernière pause normande à Baons, en famille, le passage en revue des ultimes formalités d'Oliver & Compagnie avec mon père, les délices et autres trouvailles de Giuliana qui vont me faire pleurer au premier hamburger venu - et un fameux coup à dix-neuf bandes de Ze Roberto. Un petit moment volé avec mamie Jeanne aux Dames Blanches, rien que tous les deux, pour se dire deux ou trois choses géniales. Et tristes. Un message de Jean-Charles, comme au bon vieux temps des virées à vélo sur les hauteurs de Marseille. Le temps de croiser Régine aussi à Hautot, son regard lumineux, confiant et bienveillant. C'était un beau week-end de tempête normand, avec un grand ciel gris et des averses cinglantes comme je les aime, au pied des grands arbres.
Je ne dis pas que tout est en ordre ; mais est-ce jamais le cas?
On peut partir, maintenant.
07:19 Publié dans La vie quotidienne au temps de Jacques Chirac | Tags : ONU, Forces spéciales, FO, Libero | Lien permanent | Commentaires (1)
Chasse à l'homme (et autres avis de turbulences)
Je m'en doutais un peu : ça se confirme. Depuis ces derniers jours, je suis un homme traqué.
Tout a commencé au bureau. C'est tout juste s'il n'a pas fallu que je crie que j'étais encore là avant qu'ils me fassent tomber les cloisons dessus. Pour un peu, ils m'auraient même coulé dans le béton, à la sicilienne, c'est un peu moins cruel qu'à la batte de base-ball dans un champ de maïs version Casino. Mais tout de même, après dix ans de bons et loyaux services, ça fait quand même de la peine, des méthodes pareilles. Et puis c'est pas dans le droit du travail non plus - ou alors peut-être à la section BTP, faudra que je jette un oeil un de ces jours, on ne sait jamais, c'est des petits malins au bureau, un de plus un de moins, ça se voit pas dans le Document de référence, l'essentiel, c'est que ce soit de la belle ouvrage.
Changement de décor juste après. Voilà que je me retrouve à l'Ourcine au milieu d'une bande d'Américaines en goguette qui parlent chiffons entre un débarquement de Chicago et une mission à Londres. Une autre planète. J'ai fait celui qui maîtrisait bien le sujet, entre le velouté et les Saint-Jacques, mais je n'ai pas donné le change longtemps. Elles ont bien vu les filles que, question shopping, j'assurais pas des masses. J'ai bien essayé d'en caser une lorsque Neil a raconté son accident de camion (c'est elle qui conduisait ; je n'ai pas tout compris mais il y a quand même un moment où j'ai arrêté de compter les morts dans cette histoire). Mais bon, je ne m'y connais pas très bien en camions non plus. Ils l'ont bien senti à la SLN quand j'ai débarqué, il y a dix ans. Du coup, ils m'ont orienté sur la communication en croyant que j'y ferais moins de dégâts. Ils se doutaient pas, les gars.
Après, à la maison, à défaut d'un défilé de mode sur la nouvelle collection de chez Abercrombie, j'ai eu droit au défilé des amateurs d'électro-ménager, section Ile-de-France, vu que si on avait embarqué notre matériel là-bas, j'aurais sans doute déclenché la plus grande panne électrique de l'histoire des Etats-Unis (il faut dire qu'elle a un peu vécu la gazinière, on dirait un peu ma grand-mère, en moins agitée tout de même ; je ne sais pas si c'est mon prochain statut de cowboy, mais je trouve qu'on dirait un peu Ma Dalton ma grand-mère, ces derniers temps). Et hop, à peine arrivé, déjà fiché comme terroriste, ça aurait quand même fait désordre dans ma nouvelle notice du Who's who. Il fallait quand même bien que je la case quelque part celle-là, vu que j'en ai quand même marre de passer pour une tache obscure. Et puis je sais enfin qui je suis maintenant : une tache peut-être, mais éclairée.
Ça aurait fait d'autant plus tache d'ailleurs que, dans le même temps, dans la Lettre de l'Expansion de lundi dernier, ils ont fait passer mon avis de départ avant la brève sur Jacques Chirac. Il a un peu baissé Chirac non ? Parce qu'avant, il ne m'aurait jamais laissé passer devant, c'est sûr. Du coup, il y a Shimon Perez et Ehud Olmert qui, s'étant fait recaler derrière le Che sur la même page, ne me parlent plus. C'est bien gentil tout ça les amis, mais comment on va en sortir du conflit israelo-palestinien maintenant ? Quelqu'un y a pensé à ça, ou il faut vraiment que je m'occupe de tout : des cartons, du divorce du concierge, de la coupure du compteur électrique ET de la paix au Moyen-Orient ?
N'empêche, côté amateurs d'électro-ménager, j'ai tout vu ces derniers jours : les amoureux, qui viennent contempler la chose au crépuscule, mais quand même surtout les étoiles par la fenêtre ; les arnaqueurs slaves qui attendent la veille du déménagement pour me proposer une négociation au thallium ; l'étudiante, qui me conjure de suspendre les offres en cours et de tout lui réserver pour le lendemain avant de fuir dans la nuit en Patagonie, la traîtresse ; le technicien qui me demande si le sèche-linge il est à condensation ou à évacuation, comme s'il y avait pas un moment où il fallait bien l'évacuer le linge, je vous jure. Là où ça a quand même été vraiment tendu avec l'expert en sèche-linge, c'est quand il a rappelé une heure plus tard pour nous expliquer que le sèche-linge en question, il avait l'air franchement HS - et lui franchement énervé par la même occasion. J'ai bien senti qu'il fallait faire un geste, sinon, ça ferait comme au bureau. Peut-être même avec une petite pointe de raffinement oriental en plus.
Et puis, c'est hier, peu après l'aube, qu'ils m'ont donné le coup de grâce. Un commando de déménageurs a soudain fait irruption sur le palier. Je dois dire que je les ai trouvés plutôt humanistes, dans un premier temps, ces types. Ils ont bien vu que j'étais pas bien réveillé. Du coup, ils sont redescendus prendre un café le temps que je comprenne ce qu'ils me voulaient - et moi, mal réveillé, donc ingrat, qui me dis : ah ben d'accord, ils m'ont l'air de se la couler douce dans cette boîte. Ça n'a pas raté : forcément, les types, en remontant, ils se sont vengés. C'est tout juste si j'ai pu sauver le lit pour le soir avec quelques valises dessus - et encore, il a fallu défendre mon troupeau de bagages pire que Charley Waite dans Open Range. La récompense, c'est que si tu t'en tires bien, le soir il y a Sue Barlow sur le retour de Londres qui te tombe dans les bras.
Tu parles d'un monde de brutes. Moi qui étais justement en train de m'attendrir la veille sur l'appartement que nous sommes en train de quitter, à Port Royal. Du coup, j'ai trouvé refuge au Lutétia, sous le portrait d'Hemingway. C'est un truc de blogomane, pas à cause du portrait mais du business center, que j'ai appris en lisant une interview d'Assouline. Et puis comme dit Hugo, "quand la nuit essaie de revenir, il faut allumer les lumières comme on rallume les flambeaux". Tout ça pour dire que le décollage approchant (c'est pour lundi prochain), ça risque d'être quand même un peu pertubé ces prochains jours par ici.
07:18 Publié dans La vie quotidienne au temps de Jacques Chirac | Tags : Casino, Abercrombie, Chirac, Shimon Perez, Hemingway, Assouline, Lutetia | Lien permanent | Commentaires (0)
Fin de partie (6) Vous, les femmes...
Quelle décennie !
Pour le groupe d'abord : que de chemin accompli par Eramet ces dernières années, dans son développement, dans sa cohésion aussi. Des difficultés de 2003 à l'essor d'aujourd'hui, quel retournement, et que de défis pour la communication pour tâcher d'accompagner au mieux cette aventure, de valoriser nos atouts sans méconnaître nos faiblesses, de porter une image qui reflète notre esprit de conquête et d'alimenter une dynamique qui témoigne de notre volonté d'aller de l'avant.
Il y eut aussi la passion de défendre l'entreprise lors des crises que nous avons traversées. Je le dis sans légèreté pour ceux qui y ont été confrontés sur le terrain, et avec respect pour ceux avec lesquels nous nous sommes affrontés à la loyale : je les considère ces crises, depuis mon arrivée dans le groupe, comme un terrain de relations et d'actions privilégié, si l'on veut bien considérer qu'elles contiennent souvent en germe, au-delà des tensions qu'elles créent sur le moment, de remarquables opportunités de progrès pour la suite.
Et puis, y compris dans les crises, l'humour m'a toujours semblé un bon indicateur du plaisir à se côtoyer et à travailler ensemble.
Pour moi aussi, cette décennie a été singulière, en durée comme en âge. Dix ans, c'est d'abord une rupture avec les expériences, beaucoup plus brèves, qui ont précédé. J'ai longtemps préféré les décollages aux atterrissages, et cela ne va pas sans une certaine difficulté à se poser. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir vu du pays ces derniers temps. Par la diversité des cultures qui y sont représentées sur les cinq continents, notre groupe est un petit concentré de monde à lui seul - et ce n'est pas là son moindre intérêt. J'ai été engagé en Nouvelle-Calédonie, séduit par la Norvège, curieux de la Suède, passionné par le Gabon, intrigué par le Japon, fasciné (comme tout le monde) par la Chine, attentif bien sûr aux sites français et, comme on sait, intéressé de près par les Etats-Unis.
De 30 à bientôt quarante ans, tant pis si le terme est aujourd'hui un peu galvaudé, j'ai aussi grandi avec le groupe. Je m'en sens fier, et aussi plus solide - assez diffférent du jeune blanc-bec que j'étais en arrivant en 1997, avec son statut de diplomate et ses costumes trois-pièces. Je repense à ce propos au mot de François Bayrou : "J'ai longtemps été un jeune conformiste. Et sans doute formiste était-il de trop".
Je n'ai certes pas corrigé tous mes défauts - il y faudra bien encore quelques décennies de plus -, mais j'ai appris deux ou trois principes fondamentaux. J'en retiens trois : toujours être concret, enraciner sa réflexion sur le terrain, et ne jamais trop s'en éloigner sauf à prendre le risque de commencer à raconter des bêtises ; avoir le souci constant de la bonne gestion : au-delà de la contrainte, elle oblige à être inventif et elle est toujours un aiguillon pour faire mieux. Et puis, il y a aussi cette idée, essentielle à mes yeux, qu'il est toujours possible chez nous d'apporter un autre regard et, plus encore, de construire quelque chose de neuf, à condition de le faire en équipe, et de le porter avec suffisamment de ténacité.
On dit de la culture que c'est ce qui reste quand on a tout oublié. Eh bien, je crois que l'on pourrait dire la même chose des aventures qui nous ont liées tout au long de ces dix dernières années. Elles font désormais partie de mon paysage personnel au-dessus duquel, je dois bien le reconnaître, il arrive aussi que ça fume un peu - c'est mon côté Eramet.
Synthèse et conclusion du n+1 : "C'est quand même un peu fantaisiste, je trouve, par moments, cet entretien annuel... PS: Je fais vite : Catherine me fait relire pour demain matin le rapport annuel, un dossier sur Reach, Eramet Info, Eramet News, Verba'team, Eramet Repères, le Point mensuel, Focus et le dernier Vogue (elle a dû confondre avec L'usine nouvelle).
Commentaire du n+2 : " J'en parlais encore avec Jacques hier. J'ai eu les résultats de l'étude confidentielle sur le sujet dont nous avons parlé. Jacques m'a dit : "Je m'en occupe, les femmes, c'est le boulot du président. Occupe-toi de tes chantiers Leaders...".
Catherine (executive woman) a ajouté : "J'ai fini le compte rendu du dernier Comex. J'ai fait l'ordre du jour du prochain, j'ai pensé que ça pourrait être utile, non ?"
Albane (l'assistante du président) a précisé : "Oui, très bonne idée !".
Ariane (l'épouse du président) a conclu : " Où est-ce que je signe?"
Quand je vous disais que côté féminisation, on n'en est qu'au début. C'est en tout cas la fin de ces élucubrations.
Et là, il y a ma femme, de passage à Paris avec une bande d'américaines, qui enchaîne : " On ne va pas finir par rater l'avion darling, avec ces histoires ?".
Pour moi non plus, les gars, c'est pas parti pour s'arranger.
07:16 Publié dans L'adieu aux armes | Tags : crises, humour, gestion, Leaders, femmes | Lien permanent | Commentaires (0)