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07/01/2008

Bruce Lee, Obama (Huckabee) et moi (3) Le retour du dragon (et de Chuck Norris par la même occasion)

Enfin, fuir : non (j'ai toujours eu du mal à tirer les leçons du passé, ça finira par me perdre dans le futur). Et mourir ? Vu comment il assure en karaté l'autre teigne là : peut-être quand même que ce serait difficile de passer au travers le zigouillage pour de bon ce coup-là.

Sous le regard dubitatif des passants, qui ne pouvaient pas comprendre vu qu'ils avaient raté l'épisode précédent, je me suis donc mis en garde à mon tour, me suis déplacé de droite à gauche, ai fait craquer quelques cervicales - c'est un truc de karateka qui impressionne toujours, et que j'ai gardé pour les matins de torticolis, enfin surtout quand le torticolis est passé en fait, sinon ça coince douloureusement, comme quand cette espèce d'abruti de kiropracteur de Val Plaisance s'acharnait à me passer la numéro 23, ou la 37 je ne sais plus, alors qu'il voyait bien que c'était aussi coincé que le pouvoir d'achat à Marolles en Hurepoix, ce qui fait d'ailleurs que les arts martiaux sont très développés dans cette petite commune moche comme tout.

J'ai donc défié Bruce Lee.

Mais non : rien. Il était tout simplément pétrifié. On aurait dit une vraie statue. Il n'y a pas eu de combat du coup. C'est là qu'on voit bien que La fureur de vaincre, c'était que du cinoche. Je ne dis pas que j'étais très fier de cette victoire, qui consacrait plutôt la faiblesse de mon adversaire que ma maîtrise des arts martiaux, mais enfin, une vieille névrose se dénouait, enfin - forcément avec un peu de tristesse, on s'attache.

Le pire avec tout ça c'est qu'en rentrant, et cela malgré les avertissements répétés de Zach Manifold, le patron des Démocrates du coin, j'ai fini par rater le meeting d'Obama au Convention Center de Columbus.

Quel con quel con quel con ce n'est pas possible d'être aussi con.

Juste avant le Cauca de l'Iowus, en plus.

Battre Bruce Lee à plates coutures, être soudain libéré de mes fantômes, voir s'ouvrir alors de nouveaux horizons et pouvoir notamment apporter mon soutien actif (ainsi que quelques conseils stratégiques) à Barack pour son meeting à la maison, et passer à travers, non mais, je vous jure...

Je me demande s'il y a vraiment lieu à commenter plus avant cette histoire - débile, et voilà tout. Ce serait un peu comme imaginer qu'en face, Chuck Norris, l'adversaire historique de Bruce Lee (dans La fureur du dragon notamment) apporte son soutien à Mike Huckabee et que celui-ci sorte vainqueur du premier scrutin dans le Midwest.

Il y a tout de même des limites à la connerie, vous ne trouvez pas ?

05/01/2008

Bruce Lee, Obama et moi (2) La multiplication des pains peut toujours en cacher une autre

Finalement, c'est à Hong-Kong qu'a eu lieu la confrontation. Ça s'est passé sur l'avenue des Stars, en octobre dernier, sur la promenade, devant l'hôtel. Tout à coup, je me suis retrouvé face à lui. Il était déjà en position, manifestement agressif - vous savez avec ce petit sourire méchant, en coin, et cette sorte de feulement de la mort qui l'accompagne et qui vous paralyse rien qu'en souvenir - immense, là, au milieu des badauds.

Je n'ai pas reculé. Je ne pouvais pas. Tout seul, je ne dis pas que je ne me serais pas enfui discrètement dans le mall à côté acheter, je-ne-sais-pas moi, un slip, une perruque ou une paire de Ray-Ban. Mais là, non, ça aurait fait lâche genre : "Ah d'accord, tu provoques en faux, mais quand après c'est en vrai, il y a plus personne". On n'imagine pas le nombre de types qui sont morts pour faire le beau - moi-même, plusieurs fois, ça ne m'est pas passé loin.

Comme une fois devant le collège Fontenelle en revenant du lycée Jeanne d'Arc, abrité de la pluie sous un porche, avec la belle Claude : le premier qui était venu nous emmerder, j'avais fini par me le faire. C'est avec le deuxième, le boxeur qui m'a tapé sur l'épaule, que j'ai moins sympathisé.

Ça avait pourtant bien commencé avec son : "Eh, t'as fait quoi à mon pote, toi ?". Une entrée en matière un peu rugueuse, mais enfin une amorce de dialogue. Le truc, c'est que je n'ai pas eu le temps de répondre. Après, ça a fait un peu la même musique que le récit de Joe Pesci au restaurant dans Goodfellas : bim bam bom, etc. Enfin tout de même : je me demande si le quarante-troisième bourre-pif était vraiment nécessaire. C'est comme l'épisode de la multiplication des pains (Matthieu 14, 14-21) : il y a un moment où on voit bien que tout le monde est rassasié, mais non, il faut qu'il continue l'autre, tout ça pour faire le malin.

Résultat, le lendemain, elle m'abandonne en disant que sa tête ne tournait pas rond, tout ça. Ben et moi, avec ce que je m'étais pris la veille, j'allais bien dans ma tête au carré peut-être ? Sacrée Claude, va. D'ailleurs, franchement, avec un prénom pareil, je ne dis pas que c'est pire que Bernard par exemple, mais il aurait tout de même fallu que, malgré la compétition de baby-foot qui redoublait d'intensité à la Tonne et le bac de français qui approchait à grands pas, je te trouve un petit nom vite fait ma cocotte. "Clodette" peut-être. Sinon, il y a Monica que j'aime bien aussi.

Bref. Ce coup-ci : non.

24/12/2007

Bruce Lee, Obama et moi (1) Vertige de l'amour à l'état de pré-cristallisation automnale

La première fois, ça m'avait pris en traversant Chinatown en direction de Little Italy, NYC. "Tu veux te battre avec moi ?" lançais-je à la cantonnade en esquissant le geste qui ouvre le premier kata do shokotan, sous les yeux effarés de ma compagne, qui devait alors se dire à elle-même : "Mon Dieu, je me suis complètement trompée sur le compte de ce type, qui m'a tout l'air d'un dangereux frappadingue" (comme dirait ma copine Régine). A moins qu'il ne s'agisse d'un abruti fini ?" hésita-t-elle peut-être alors.

Vertige de l'amour à l'état de pré-cristallisation automnale. Cela ne faisait pas extrêmement longtemps en effet que nous étions ensemble, peut-être deux ou trois mois en décomptant cette s... d'été - ah, l'aimable saison - où elle m'avait laissé quasiment sans nouvelles, la langue pendante, brûlant au soleil, après notre première rencontre. Alors soit, passons sur ces atroces souffrances puisque ce n'est pas là le sujet de cette chronique, mais ne glissons pas pour autant, sous la torture éponyme, sur le côté déjà chinois de l'affaire.

La Chine a beau être la magnifique contrée que décrivent avec tant d'entrain les associations philanthropiques tibétaines, elle n'en recèle donc pas moins en son sein un horrible déni du droit de l'homme qui a rencontré sa femme au début de l'été à la retrouver avant la fin du moins de septembre. Ingrid Betancourt ? On va y arriver ! Le Darfour ? Continuons ! Mais l'amour en Chine, qui s'en soucie ? Question droits de l'Homme, il y aurait donc bien deux poids, deux gonades.

Or donc, au beau milieu de Chinatown, juste avant que je ne finisse par entrer dans une boutique de massage du dos express avec vue sur rue pour me détendre (je travaillai beaucoup cet automne-là), je vérifiais, non sans bravoure, et d'une façon imparable, mon invulnérabilité - un peu comme du Guesclin, si l'on veut, mais sans l'armure, donc plus souple, mais aussi plus exposé.

Car aucun asiate n'osa relever le défi, le lâche.

Pourtant, aujourd'hui encore, je m'interroge : étaient-ils réellement pétrifiés par la puissance de mon art ? (la place me manque ici pour rentrer dans la technique, mais disons simplement que j'avais étudié avec soin, des années même avant de pratiquer cet art noble et viril à l'Université de Mont-Saint Aignan, la technique brucelinienne associant la souplesse du chat à la force du tigre) Ou bien n'y en avait-il réellement pas un pour parler français, dans ce quartier ?

12/08/2007

Réchauffement : quand les Poutéouatamis s'y mettent (et les Quicapoux avec)

Ah, ça ! Ça nous pendait au nez depuis un moment. On le sentait venir, ces dernières semaines. Et puis revoir An Inconvenient Truth n'a pas dû arranger l'affaire : sacré Al, toujours le maux pour rire. Sauf que ça a tout de même dû énerver, là-haut, déchaîner les foudres des esprits Poutéouatamis. Peut-être bien aussi ceux de leurs cousins Quicapoux par la même occasion. Il suffit que ça tombe pendant une réunion de famille ces trucs-là et ça a vite fait de dégénérer. Ça crée un effet de surenchère, c'est comme pendant les campagnes électorales. Il y a les Poutéouatamis (qui s'ennuient toujours un peu, le dimanche) qui se disent :"Tiens, et si on montait un peu le radiateur en bas, pour rigoler un peu ?". Et les Quicapoux, qui ne veulent jamais être en reste d'une connerie (ce que je peux comprendre, ce n'est pas la question), qui rajoutent : "Ouais, pas mal. Et nous, si on faisait macérer la serre, pour voir?".

C'est tout vu, les gars. Des températures comprises entre 90 et 100° (Fahrenheit, tout de même) sur l'ensemble du territoire américain, et l'indice d'hygrométrie qui oscille entre 100 et 110-115 (il s'agit sans doute de l'indice humidex, toujours en Fahrenheit, sachant qu'à partir de 90, on entre dans une zone de malaise généralisé, et qu'au-delà commence une zone de risque qui rend les activités sportives dangereuses et les coups de chaleur probables). Même en Nouvelle-Calédonie, je n'ai pas souvenir d'avoir connu de telles chaleurs, en tout cas pas avec des taux d'humidité pareils. Ou alors peut-être au moment des alertes cycloniques, juste avant l'arrivée de la tempête, au-dessous de l'oeil du cyplope, quand plus un souffle de vent ne passe et qu'une chaleur poisseuse écrase et liquéfie soudain tout. A la télévision, CNN et Fox News multiplient les recommandations de prudence et suggèrent de ne sortir qu'en cas de nécessité.

Oh, je sais bien que la plupart d'entre nous réfute spontanément l'idée selon laquelle ni les Poutéouatamis, ni les Quicapoux n'y seraient pour quelque chose. Ah ah ah ! Grossière erreur, les amis. C'est à tort que nous nous persévérons dans nos schémas scientifico-laïques étriqués, alors qu'il serait encore temps de se convertir à l'Esprit Qui Souffle Sur La Grande Plaine (Et Qui Rafraîchit l'Atmosphère Par La Même Occasion). C'est pourtant évident. En tout cas, vu d'ici, à la limite de la Bible Belt - qui passe un peu plus bas, à Portsmouth, le repaire du regretté révérend Farewell, et qui se prolonge bien plus au sud, vers Atlanta -, c'est évident. Manifestement, on a fait une grosse connerie quelque part. Il y en a un, peut-être même une bande, qui s'en est aperçu, mais qui n'a pas voulu s'en vanter.

Résultat : tout le monde en slip, au coin. Comme à la maternelle, quand j'ai voulu faire une fugue (ma deuxième), en 1971 je crois. Franchement, c'est pas très brillant comme méthode pédagogique. Il y en a une à l'époque qui a dû sécher le module : "L'enfant apprend-il vraiment mieux en slip ?" de son cursus de sciences de l'éducation. Parce que la réponse est non. Ou alors c'est la chienlit, comme en 68. Ah ben, dans ce cas-là, d'accord. Et hop ! Tout le monde retire son slip ! D'accord, mais à ce moment-là, personne ne te demande de dessiner en même temps ta famille, de colorier ta maison ou de raconter tes vacances. Non, tu es libre de tes mouvements et, dans une certaine mesure, sur un plan plus ontologico-érotique, tu assumes même ton être-dans-le-slip-avec-autrui. Bref, premiers ou derniers au caté ? - "M'en fous", disent les Poutéouacapoux, toujours un peu rigides : tout le monde, peut-être pas en slip mais en tout cas dans la serre. Après, vous ferez ce que vous voulez, pour le slip.

Ici commence donc la phase terminale du réchauffement climatique, la dernière vague de chaleur de l'Humanité. On entend même le cataclop-cataclop des cavaliers de l'Apocalypse, le soir, dans les westerns à la télé. Ça fait quand même beaucoup de signes convergents tout ça. Quand je pense que nous, on n'a rien trouvé de mieux à faire qu'à venir se fourrer au beau milieu de la fournaise. On aurait pu, je ne sais pas moi, se donner le temps de la réflexion, protéger nos arrières, ouvrir un poulet ou égorger un mouton avant de partir. Mais non. Même pas l'ombre d'une danse de la pluie. Si encore j'avais gardé un lagon à portée de main. Le seul truc où on peut se baigner à la rigueur ici, à moins d'une demi-heure, c'est Alum Creek. Et Alum Creek, soyons clair, ce n'est ni Wolfeboro, ni Santa Monica. On a essayé une fois. On a crû à un casting pour Délivrance. Un grand souvenir, Alum Creek.

Il doit pourtant bien y avoir une raison à tout ça. Après tout, je me suis toujours senti un peu prophète. Et comme c'est moins facile, et parfois même nul, dans ton pays, du coup, tu te rattrappes à l'étranger où - et ça tombe bien - les gens saisissent un peu moins bien la subtilité de ta pensée, tout en acquiescant poliment à tes propos, ce qui renforce le gourou qui sommeille en toi. Rien ne m'arrête donc dès qu'il s'agit de pontifier souverainement, encore que je me sois un peu calmé ces dernières années. Mais alors, ce serait donc ça le sens de ma présence ici, en plein dans les braises : annoncer la fin du monde ?

Tout s'expliquerait alors. Notamment l'épisode du slip et aussi certains moments de flottement au cours de ces derniers mois. C'était donc ça : une épreuve. Comme Saint-Jérôme, ou de Gaulle entre 47 et 53 : dans le désert. Et ce blog alors, ce serait comme qui dirait l'Arche de Noé de la connerie. Pour qu'on se souvienne, un peu plus tard, dans les veillées, jusqu'à quelle profondeur, livrés à nous-mêmes, on pouvait atteindre. Le mieux, ce serait encore de persuader le Comité exécutif Poutéouatami de me sauver moi-même pour que je puisse témoigner en direct, faire des soirées à thèmes, une sorte d'inter-villes de la connerie. Il y a plein de trucs à faire. Il faut juste me donner l'opportunité de présenter le projet.

Et dire qu'il m'est arrivé de penser que j'étais abandonné de tous, notamment du responsable commercial de Time Warner et de la chargée de compte à la Huntington. Mais non, c'était calculé. Tout le monde avait dû se passer le mot. Je ne suis pas seul. Joie, joie ! En vérité, je vous l'annonce, tous ceux qui ont pêché, vont brûler. Et dans d'atroces souffrances, en plus. Les autres aussi. Je sais, ce n'était pas prévu comme ça au départ et, compte tenu de ce que certains ont crû pouvoir raconter dans un contexte de concurrence religieuse exacerbée pour l'obtention du module pratique d'inflammation de la foule, ça peut paraître injuste. Mais c'est comme ça : on a vrillé le thermostat et il y en a pas un, ni de Poutéoutami, ni de Quicapoux, qui est capable de remettre le truc d'équerre. Allons ! Il est encore temps de se repentir ! A genoux, frères hum...

Réveil en sursaut. - "Mon pauvre chéri ! Tu as dû attrapper un bon coup de chaleur, on dirait, sur le transat. Et puis, l'agression d'hier, ça n'a pas dû arranger les choses, non plus. Oh la la, ta pauvre tête. Déjà qu'avant... - Euh, tu veux dire que mon boulot de prophète du réchauffement là, c'était un mauvais rêve ? - Pour prophète, ça m'en a tout l'air. Mais pour le réchauffement, ça tournerait plutôt au cauchemar en ce moment par ici".

03/08/2007

Woodstock, le retour (Community Festival à Columbus)

Après un grand concert de rap qui attira en masse les foules black et hispano downtown, puis un vaste rassemblement d'artistes itinérants au long de la Scioto River sur Front Street, c'était au tour de Goodale Park, un peu plus au nord, dans Victorian Village, de faire l'affiche pour le Short North Community Festival de Columbus. Le temps d'achever un rapide Haus Garten Tour qui, chaque année, ouvre aux visiteurs l'intimité d'une quinzaine de maisons de German Village - un aperçu qui s'est révélé décevant d'intérieurs au style middle class un peu lourd, alourdi encore de commentaires prétentieux, très différents pour tout dire des meilleurs standards de German Village aussi discrets et élégants que leurs voisins se montraient tape-à-l'oeil -, et nous voilà partis pour Short North.

Changement complet de décor : de la visite paisible on passait au raout endiablé et de la déambulation intimiste au vautrage collectif. Le long de Buttles Avenue, puis de Park Street, c'était d'abord un alignement hétéroclite de stands affairés. Beaucoup de babioles, des vêtements bon marché, de la vaisselle exotique, de petits cadres, des objets décoratifs des quatre coins du monde. Mais aussi les inévitables ateliers de tatouage - Welcome to Hell City -, incroyablement populaire auprès des jeunes ici. Au point de faire espérer, pour les plus excessifs d'entre eux (de grands aigles s'étalant par exemple sur les flancs d'un adolescent) qu'il sera possible sans trop de dégâts d'en effacer les effets d'ici quelques années.

Un peu plus loin, une concentration de stands "gastronomiques" faisait alterner jambonneaux et sucreries, pâtes et salades, friandises orientales et spécialités asiatiques tandis que la bière locale, la Budweiser, était servie à la pinte depuis des robinets directement branchés à de gros camions-citernes. S'il est bien une spécialité américaine en toutes circonstances, de la Guerre en Irak au Festival pacifique et du pique-nique à la fête nationale en passant par l'escapade familiale et la promenade du chien, c'est bien la logistique.

Columbus qui, comme toutes les villes honorables du Midwest, a un sens un peu classique des civilités (un footing torse nu, naturel sur les rives du Lac Michigan, frôle le strip tease sur Schiller Park), pour l'occasion, se relâchait un peu. Sur les vastes pelouses du parc, au pied des arbres et des scènes, en bordure de l'étang, le long des stands, partout ce n'était qu'attroupements dépenaillés. Un Africain-Américain à la coiffure rasta portait vaillamment le kilt, les houpes rivalisaient avec les crêtes parmi les bandes de rockers, une jeune femme imposante osait les seins nus, les chiens-mêmes était accoûtrés aux couleurs de l'Etat : chacun s'en donnait à coeur-joie au milieu des concerts.

Point de Crosby, Stills, Nash & Young ou de Joe Cocker de ce côté, pas plus de Jimi Hendrix ou de Janis Joplin ; Santana et les Who restaient portés disparus. A la place, d'honnêtes groupes locaux joliment inspirés et portés par la foule. Un blues emmené avait la faveur du public au centre du parc. Une petite formation, qui rappelait les Doors, rassemblait un public plus jeune et branché en bordure de Goodale Street ; devant la scène, on frôlait la communion, sinon le recueillement. Plus tard, et plus loin, vers Swan Street, une formation de jazz ferait la fermeture entre les buffets garnis et les couples dansant.

En marge des festivités, les messages s'entrechoquaient de toutes parts. Les stands politiques tenaient naturellement le haut du pavé : les libertaires y lançaient les mots d'ordre les plus radicaux, pendant la sieste ; des militants démocrates y faisaient la retape pour John Edwards - une personnalité politique mise à mal par un mauvais coup des Républicains en 2004, mais qui reste populaire et respectée. Et les dianéticiens, tout en jaune (s'étaient-ils dopés ?) scrutaient tout cela avec attention dans l'espoir - qui sait ? - de déceler de nouvelles failles et de faire d'autres adeptes.

Les tatouages identitaires n'étaient pas en reste ; mais le tee-shirt restait un vecteur très prisé, qu'il soit militant - "No planet, no party" -, audacieux - "Great ideas are born here"... Ou plus provocateurs : une drag queen affichant un "I kick hippies" peu amical, ou un tee-shirt drapeau sur un stand qui arborait un "Just in case you forgot how he feels about you" montrant un Bush en plein discours, le majeur malencontreusement relevé. la fin de règle accentue la déroute ; même les hauts fonctionnaires fuient les agences fédérales les uns après les autres.

Bref, tous les moyens étaient bons. C'est qu'au-delà des réjouissances, une fête américaine fournit d'abord une remarquable opportunité de communiquer tous azimuts - et, une fois n'est pas coutume, des idées ici plutôt que des produits. Même les poussettes furent armées pour la circonstance de panneaux contre la Guerre en Irak. Si le pacifisme commence au berceau, la relève promet déjà de faire passer la génération de Woodstock pour une bande d'amateurs.