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03/08/2007

Woodstock, le retour (Community Festival à Columbus)

Après un grand concert de rap qui attira en masse les foules black et hispano downtown, puis un vaste rassemblement d'artistes itinérants au long de la Scioto River sur Front Street, c'était au tour de Goodale Park, un peu plus au nord, dans Victorian Village, de faire l'affiche pour le Short North Community Festival de Columbus. Le temps d'achever un rapide Haus Garten Tour qui, chaque année, ouvre aux visiteurs l'intimité d'une quinzaine de maisons de German Village - un aperçu qui s'est révélé décevant d'intérieurs au style middle class un peu lourd, alourdi encore de commentaires prétentieux, très différents pour tout dire des meilleurs standards de German Village aussi discrets et élégants que leurs voisins se montraient tape-à-l'oeil -, et nous voilà partis pour Short North.

Changement complet de décor : de la visite paisible on passait au raout endiablé et de la déambulation intimiste au vautrage collectif. Le long de Buttles Avenue, puis de Park Street, c'était d'abord un alignement hétéroclite de stands affairés. Beaucoup de babioles, des vêtements bon marché, de la vaisselle exotique, de petits cadres, des objets décoratifs des quatre coins du monde. Mais aussi les inévitables ateliers de tatouage - Welcome to Hell City -, incroyablement populaire auprès des jeunes ici. Au point de faire espérer, pour les plus excessifs d'entre eux (de grands aigles s'étalant par exemple sur les flancs d'un adolescent) qu'il sera possible sans trop de dégâts d'en effacer les effets d'ici quelques années.

Un peu plus loin, une concentration de stands "gastronomiques" faisait alterner jambonneaux et sucreries, pâtes et salades, friandises orientales et spécialités asiatiques tandis que la bière locale, la Budweiser, était servie à la pinte depuis des robinets directement branchés à de gros camions-citernes. S'il est bien une spécialité américaine en toutes circonstances, de la Guerre en Irak au Festival pacifique et du pique-nique à la fête nationale en passant par l'escapade familiale et la promenade du chien, c'est bien la logistique.

Columbus qui, comme toutes les villes honorables du Midwest, a un sens un peu classique des civilités (un footing torse nu, naturel sur les rives du Lac Michigan, frôle le strip tease sur Schiller Park), pour l'occasion, se relâchait un peu. Sur les vastes pelouses du parc, au pied des arbres et des scènes, en bordure de l'étang, le long des stands, partout ce n'était qu'attroupements dépenaillés. Un Africain-Américain à la coiffure rasta portait vaillamment le kilt, les houpes rivalisaient avec les crêtes parmi les bandes de rockers, une jeune femme imposante osait les seins nus, les chiens-mêmes était accoûtrés aux couleurs de l'Etat : chacun s'en donnait à coeur-joie au milieu des concerts.

Point de Crosby, Stills, Nash & Young ou de Joe Cocker de ce côté, pas plus de Jimi Hendrix ou de Janis Joplin ; Santana et les Who restaient portés disparus. A la place, d'honnêtes groupes locaux joliment inspirés et portés par la foule. Un blues emmené avait la faveur du public au centre du parc. Une petite formation, qui rappelait les Doors, rassemblait un public plus jeune et branché en bordure de Goodale Street ; devant la scène, on frôlait la communion, sinon le recueillement. Plus tard, et plus loin, vers Swan Street, une formation de jazz ferait la fermeture entre les buffets garnis et les couples dansant.

En marge des festivités, les messages s'entrechoquaient de toutes parts. Les stands politiques tenaient naturellement le haut du pavé : les libertaires y lançaient les mots d'ordre les plus radicaux, pendant la sieste ; des militants démocrates y faisaient la retape pour John Edwards - une personnalité politique mise à mal par un mauvais coup des Républicains en 2004, mais qui reste populaire et respectée. Et les dianéticiens, tout en jaune (s'étaient-ils dopés ?) scrutaient tout cela avec attention dans l'espoir - qui sait ? - de déceler de nouvelles failles et de faire d'autres adeptes.

Les tatouages identitaires n'étaient pas en reste ; mais le tee-shirt restait un vecteur très prisé, qu'il soit militant - "No planet, no party" -, audacieux - "Great ideas are born here"... Ou plus provocateurs : une drag queen affichant un "I kick hippies" peu amical, ou un tee-shirt drapeau sur un stand qui arborait un "Just in case you forgot how he feels about you" montrant un Bush en plein discours, le majeur malencontreusement relevé. la fin de règle accentue la déroute ; même les hauts fonctionnaires fuient les agences fédérales les uns après les autres.

Bref, tous les moyens étaient bons. C'est qu'au-delà des réjouissances, une fête américaine fournit d'abord une remarquable opportunité de communiquer tous azimuts - et, une fois n'est pas coutume, des idées ici plutôt que des produits. Même les poussettes furent armées pour la circonstance de panneaux contre la Guerre en Irak. Si le pacifisme commence au berceau, la relève promet déjà de faire passer la génération de Woodstock pour une bande d'amateurs.