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24/08/2007

Variations sur une rencontre (2) Sobre

L'autre soir, on dîne sur la terrasse. Puis il se met à pleuvoir à verse et j'en profite pour aller faire quelques pas sous la pluie.

Sur ce, il y a trois types qui me demandent de l'argent dans la rue d'à-côté, avant de passer leur chemin.

A peine eu le temps de bavarder.

Il faut dire qu'ici, le temps, c'est de l'argent. Ce n'est pas comme en Ardèche, me disait l'autre soir encore, un policier du coin.

11/08/2007

Variations sur une rencontre (1) Interculturel

Ça s'est passé hier soir, après le dîner. Il faisait un peu chaud pour dîner dehors, mais la température et l'humidité avaient tout de même un peu baissé depuis le début de la semaine ; et puis la pause de la fin de journée, dans le jardin, reste un moment privilégié pour nous ; pour les écureuils aussi, d'ailleurs. Au menu : asperges et oeufs mollets, pasta alla siciliana (une délicieuse recette maison), et quelques pêches fraîches parfumées à l'Amaretto pour finir. Je remontai après ça travailler sur un article au bureau. Soudain, le tonnerre se met à gronder. Des éclairs flashent à travers la fenêtre, en direction de l'ouest. La météo confirme le passage de sévères orages pour la nuit.

Moi, l'orage, je n'ai jamais pu résister : il faut que j'aille y voir de plus près. Je mets donc le nez dehors côté jardin, puis j'enfile un ciré, attrappe une paire de sandales en passant (c'est mon côté océanien) et pars faire le tour du pâté de maisons sous une pluie battante. De City Park Avenue, je tourne sur Frankfort Street, passe devant Max and Erma's (qui affiche, ces derniers temps, de nouvelles spécialités mexicaines), longe la laverie puis la cave sur Third Street, qui fait l'angle, et tourne à droite sur Columbus Street pour revenir vers la maison. La pluie est toujours battante. La rue est sombre, éclairée de biais et de loin par les lampadaires des rues avoisinantes.

Je m'y engage franchement. A l'autre bout, j'aperçois trois silhouettes qui avancent, les unes derrière les autres, sur le trottoir d'en-face. J'hésite une fraction de seconde : je ne suis encore qu'au début de la rue. Il peut y avoir un risque, mais je juge rapidement, sans doute un peu trop, qu'il n'y a pas de danger : la démarche n'est pas agressive et le petit groupe, des types d'une vingtaine d'années, semble filer droit sous la pluie. Pourtant, quand j'arrive à leur hauteur, deux des types foncent sur moi. L'un crie : "Give me the money, give me the money !". Je crois à un canular adolescent. Je dirige mon regard vers eux. A ce moment, l'un des membres de la bande, un Noir élancé, encapuchonné dans une sorte de Kway, légèrement de côté par rapport à moi, me donne un coup au visage que je ne vois pas partir.

Je ne distingue pas bien le deuxième, à côté de lui. Par le mouvement qu'elle a fait vers moi, la bande nous a ramené tout près du trottoir. Derrière, il y a le mur, une voiture et, entre les deux, un poteau électrique qui bouche le passage ; il y a un lampadaire au-dessus, mais un arbre au-dessous fait écran. Mon regard s'attache tout de suite à suivre le troisième larron, un Blanc, assez petit, plutôt enrobé. Il se détache de ses copains, me contourne légèrement par la droite et reste à environ trois mètres. Il tient un pistolet à la main. Il paraît nerveux. Il lève et abaisse son arme successivement, donne le sentiment de ne pas savoir quoi faire au juste. A partir de ce moment, je ne les quitte pas yeux, lui et son pistolet, et me place, par rapport à lui, non pas de face mais sur le côté. Au cas où il lui prendrait l'envie de tirer.

Derrière, ça continue : "Give me the money, give me the money !". Pas moyen d'utiliser ces deux-là comme écran, aucun ne vient se placer dans la ligne de tir. Ils ont plutôt l'air d'amateurs, mais cette disposition-là semble avoir été calculée. Un nouveau coup de poing part sur le côté. Je ne sens rien. Les deux coups ont porté, mais en manquant de puissance. Ça fait un peu petites frappes. Je fais un geste d'apaisement, interpose une main vers eux, mais sans répondre à l'agression. Les deux types sur le côté, grands, mais légers et nerveux, sont parfaitement prenables, mais je reste sous la menace de l'arme, complètement à découvert sur la droite, ce qui m'empêche de tenter quoi que ce soit vers mes agresseurs. Je dis que je n'ai pas d'argent. J'insiste. J'ouvre les bras. J'en remets une couche. Je ne suis pas d'ici. On se calme. L'un d'eux me passe rapidement la main sur les poches pour vérifier : rien.

Ils hésitent. Les deux types s'écartent. Le petit gros reste face à moi. Il lève l'arme, la braque sur moi. Un instant, il donne l'impression de me viser le genou. Il remonte vers la tête. Redescend son arme. Je refais signe de mes mains ouvertes vers le sol pour calmer le jeu. Il n'y a rien. Rien à gagner, rien à perdre. Du calme. Il faut en rester là. Mais je n'ai plus la main. Le genou, le ventre, la tête ? Ça peut partir. Ça peut aussi ne pas partir. Tout dépendra de ce qui lui passera par la tête. Ils viennent peut-être de voir ensemble un film de gangs hyper violent, ou de jouer à un jeu video du même genre. Ils sont nerveux. Le gros me regarde, crie encore : "Give me the money !". Il braque à nouveau son arme sur moi.

Puis, tout à coup, il donne le signal du départ : les deux autres détalent à toute allure par où ils sont venus. Il garde son arme dirigée vers moi deux secondes encore peut-être, puis leur emboîte le pas. Le groupe se replie sur City Park Avenue. Je les suis depuis le trottoir opposé jusqu'au carrefour. Ils s'engouffrent dans une voiture garée devant la maison. La voiture démarre, remonte un peu la rue, tourne dans Frankfort Sreet, puis disparaît dans la direction de Pearl puis de High Street.

Je rentre à la maison. Mon entrée dans la salle de bains ne passe pas inaperçue : j'ai été touché légèrement à la lèvre, et à l'arcade, ça a donc pissé un peu le sang. Je bénéfice tout de suite de soins de premier plan : alcool, pommade pour la lèvre, pansements cicatrisants... Un vrai petit hôpital, à la maison. C'est bizarre. Je suis calme. C'est, je pense, l'effet du flingue braqué sur moi : partira, partira pas ? On ne peut que tenter de calmer le jeu et espérer que ça marchera. Mais ça aurait pu ne pas marcher et, de fait : ça calme.

En même temps, je suis en colère : German Village, le quartier, est réputé sûr, mais l'agression a eu lieu dans la rue à côté, et surtout la voiture était garée devant la maison - devant la maison ! La veille, ma compagne était allée faire quelques pas, la nuit tombée, vers Schiller Park en remontant la rue... Je me décide à appeler la police. Il est probable que ces jeunes types ne soient pas dangereux et aient agi sous le coup d'une sorte de défi ; peut-être avaient-ils aussi besoin d'argent. Mais ici, en Amérique, c'est trop dangereux. A cause des armes. Et de la violence sous-jacente. Je ne veux pas qu'on prenne le risque.

Le reste de la soirée se passe donc à expliquer l'affaire à l'agent Rich Kindler, matricule 2187, un petit air irlandais, qui reconnaît que les armes circulent un peu trop facilement dans ce pays, mais qui n'en préfère pas moins l'Ardèche à Paris. Je crois comprendre que c'est à cause du périph.