15/01/2009
A Frigid Wave of Artic Cold...
A frigid wave of artic cold, c'est ce que l'on pouvait lire, sur l'écran de l'ascenceur, à supposer naturellement qu'on soit arrivé vivant jusque là, au coeur du quartier financier. Même le ciment sur le trottoir avait l'air traumatisé ce matin, un côté tout pâle et crispé en même temps, c'est la première fois que je vois un trottoir souffrir, d'habitude, ça me laisse plutôt indifférent les trottoirs. Mais quand l'air du Grand Nord se retourne et descend vers le lac, ça change tout, on se sent soudain solidaire avec à peu près tout ce qui ne paraît pas naturel, les trottoirs, la marina congelée. Et surtout avec le réchauffement climatique, pour la partie réchauffement de l'expression fût-elle un peu taquine, ces derniers temps.
Il a fait - 35° la nuit dernière et seulement -20° je crois au petit matin. Du coup, l'émigré ressort sa vieille doudoune du Midwest, genre : "A ce soir ma chérie (entre-temps partie faire un petit shopping à Hong-Kong), je pars chasser un ours et je reviens (escapade asiatique qui peut d'ailleurs faire douter le chasseur au moment d'achever la bête : à quoi bon te trucider, O Ours, si ce n'est pour se faire un petit dîner en amoureux ce soir, vu que je ne vais quand même pas manger ça tout seul, sauf peut-être un ourson, dans un sandwich, mais quand même), assez peu dans les canons de la mode parisienne mais, somme toute, plutôt efficace.
Je me demande d'ailleurs si, à ce train-là, l'ours va rester longtemps une affaire de petite blagounette dans la région de Toronto. Ils vont bien finir par faire une descente un jour dans les parages, les ours, non ? Nous, on sent bien ces choses-là en Normandie, à cause des Vikings, qui nous ont déjà fait le coup une fois. Du coup, quand je repasse à la maison le week-end, je m'arrête de plus en plus souvent devant le club d'arts martiaux, sur la 76ème, ça me titille un peu de reprendre, histoire de vendre chèrement ma peau, quand l'heure sera venue. Et puis, qui sait ? un mae-guiri sur la truffe, ça peut peut-être le faire réfléchir à deux fois, l'ours affamé, ça marche bien avec les requins, dans le Pacifique, vu qu'ils ont le nez très sensible. L'essentiel ici étant que chaque bête reste dans son coin, sinon on ne va plus s'en sortir si on est attaqué par terre et par mer en même temps. Et pourquoi pas une attaque d'archaeoptéryx simultanée, non plus, tant qu'on y est.
Evidemment, à ce compte-là, on ne sort sous aucun prétexte. C'est encore pire à Winnipeg, dans l'intérieur, où il fait dans les -45°. ça donne forcément des idées de virée pour le week-end, des douceurs pareilles. Quand on sera tous morts. Si ce n'est de froid, ce sera d'extinction d'ailleurs, parce que la frigid wave, c'est sûr, n'encourage guère la gaudriole. The Day after Tomorrow approche, mais encore faut-il qu'il y ait des survivants du jour d'avant, sinon ce n'est plus un after. Ou alors, ce sera nettement moins festif comme after.
05:07 Publié dans Ma cabane au Canada | Tags : climat, froid, météo, canada, normandie, vikings | Lien permanent | Commentaires (0)
10/04/2007
C'est joli l'Alaska (quand est-ce qu'on rentre ?)
On n'imagine pas comment, en dehors du bureau, la vie est semée d'embûches. J'aurais dû m'en douter en arrivant sur Chicago : pas moyen d'apercevoir la ville dans la purée de pois du dessous. Comme à la Tour Montparnasse, les jours de brouillard.
On a beau dire, ça donne quand même des compétences solides, quatre ans dans le même bureau. Moi par exemple, je suis devenu incollable sur la météo. D'autant que j'ai appris sur le tard que j'avais un éminent homonyme météorologue. Au point d'errance professionnelle où j'en suis rendu, pas question de me faire voler ce business prometteur : je me suis lancé illico dans un bulletin quotidien, d'ailleurs apprécié de mes premières abonnées, même si pour démarrer dans le métier, je me suis d'abord concentré sur le temps de la veille. Je ne dis pas que c'était très utile, mais ça détendait un peu, les jours maussades.
Tant que j'y suis, j'ai aussi acquis une connaissance, pour ne pas dire une ouïe très fine du conflit social : elles passaient toutes dans le coin, les manifs, pas moyen d'y échapper. Je finissais par les identifier à l'oreille, comme un garagiste ausculte un moteur. C'est comme ça que j'ai bien vu qu'il était en panne l'ascenceur social. Et, au 52ème étage de la Tour Montparnasse, social ou pas, quand on parle d'ascenceur, forcément, tu tends l'oreille, parce que l'escalier de la précarité à mille cinq cents marches, merci bien : pour le descendre, passe encore, ça se fait assez vite, je m'en rends bien compte en ce moment. Mais pour remonter la pente après, bonjour, je ne vais pas tarder à m'en apercevoir non plus d'ailleurs, s'ils continuent à me persécuter comme ça, les services de l'immigration - j'y viens.
Du coup, à l'arrivée dans la ville du vent, on prend le même tarif météo que d'habitude : deux heures de retard pour bifurquer sur l'Ohio. Mais ç'aurait pu être pire : le type de l'immigration - on aurait dit Jackie Chan - a voulu me renvoyer chez moi direct. Au début, j'ai pensé à le défier en combat singulier. Finalement, je lui ai laissé une chance, ça n'aurait pas été humain comme combat, vu que j'ai fait du karaté dans ma jeunesse - médaille de bronze de Do shotokan en coupe de Seine-Maritime. Rien que le titre des fois, ça paralyse mes adversaires, je l'avais bien senti déjà, dans China Town, à New York, il y a trois ans : pas un pour relever le défi, les lâches. Bruce Lee au fond, c'est un peu comme de Gaulle : au début, on a l'impression qu'ils sont plusieurs, et on voit bien qu'au premier truc sérieux, il n'y a plus personne. Et encore moins pour prendre la relève derrière.
J'ai eu beau lui expliquer que je croyais vraiment en Dieu, que j'étais pour un renforcement massif (mass reinforcements) des forces armées en Irak et qu'accessoirement, je n'avais plus de chez moi au pays de Jacques Chirac, il n'a rien voulu savoir. Depuis le collège, si ce n'est pas depuis l'école primaire, j'ai un vrai don pour énerver les gens de l'administration, moi, c'est dommage que ce soit pas un métier. Bon, j'aurais pas dû prononcer le nom de Jacques Chirac non plus, j'ai l'impression que ça l'a énervé encore plus - pire que nous. Surtout depuis sa dernière déclaration métaphysique chez Drucker sur la vie après la politique de la mort ou quelque chose de ce genre, je n'ai pas bien compris, on aurait dit la blague de Raffarin sur le référendum. Sauf que ça sent un peu le revenant annoncé, cette déclaration fumeuse, et le roussi avec par la même occasion. Si ça continue comme ça, quand on reviendra, il ne restera plus que le Parc Astérix, la poste et Hippopotamus.
Finalement, Anny, qui a dû elle aussi de nouveau justifier son job par la même occasion, a ressorti mon billet retour, et ça a fini par le faire. Au moins temporairement : Jackie Chan m'a donné six mois, pas un jour de plus. Soit c'est une blague - mais ça en n'avait pas trop l'air -, soit c'est un point qu'il va falloir regarder sérieusement, et vite fait, avec l'avocate d'Abercrombie. Ou alors, c'est un coup de ma mère.
Mais, sur l'échelle de la survie, ce n'est pas le plus grave.
Le lendemain de notre arrivée à Columbus, j'ai crû qu'à la suite d'une regrettable erreur on était remonté vers l'Alaska au lieu de descendre sur l'Ohio... Une tempête de neige a pris en écharpe tout le nord-est des Etats-Unis, de Saint-Louis et Minneapolis jusqu'à Washington et à la pointe nord-est du Maine. Sur le coup de midi, tous les occupants de la holding financière en face de l'appartement à Easton ont commencé à décamper et, chez Abercrombie & Fitch, ils ont fait pareil. La tempête de neige s'est bientôt muée en une saleté de tempête de glace : une pluie de cristaux durs comme des gravillons, qui viennent se coller sur les routes, les vitres, les tôles et, accessoirement, sur le premier français sorti descendre les poubelles - ils ont quand même la tempête revancharde dans le coin.
Les rues se sont peu à peu vidées, et un escadron de chasse-neige a bientôt pris le relais en quadrillant tout ce qui ressemblait de près ou de loin à une route ou à une place de parking. Drôle de concert : le jour, celui des raclettes des automobilistes qui s'acharnent à décoller la glace ; la nuit, le doux va-et-vient des trucks qui traquent le flocon. Encore heureux qu'il n'y ait pas eu de clandestins dans les parages, avec le bruit des flingues, on n'aurait pas fermé l'oeil de la nuit.
Ce matin encore, la température avoisinait les - 10°. Pour la Saint-Valentin, je m'étais dit comme ça qu'on aurait pu aller courir tout nus dans les bois alentour - une sorte de ressourcement primitif, une inspiration primale (chaque fois que je lis un psychanalyste - en l'occurence, le dernier bouquin de Pontalis, sur le vol aller -, ça me fait le même effet : c'est vraiment n'importe quoi la psychanalyse). Réflexion faite, on attendra le printemps. Ou alors, c'est que pour courir. Enfin, si on n'est pas morts de froid d'ici là. Ou dévorés par un ours blanc - il paraît que c'est arrivé il y a quelques semaines par ici, à un arrêt de bus. Depuis, je guette les ours blancs à la fenêtre et le premier qui montre patte blanche, je l'attaque à la raclette anti-gel.
J'avais noté dans ma cleck-list de faire une présentation de mon business en arrivant. Vu la tournure que prennent les événements, je vais plutôt commencer par mon testament. Peut-être même par un projet d'épitaphe alternative : "dévoré par un ours dans l'Ohio", je sens que ça ne va pas le faire. C'est ma grand-mère qui va bien rigoler : elle va croire que c'est encore un truc qu'on lui raconte pour voir si elle capte encore quelque chose du monde en général, et de sa descendance en particulier. Descendance aux enfers du Jour d'après, oui. D'ailleurs, je m'attends à voir passer un paquebot d'un moment à l'autre devant la maison, juste avant l'ours.
Il n'y a pas à dire, on n'est pas tous égaux devant le réchauffement climatique.
07:20 Publié dans Du rififi chez les Yankees | Tags : Chirac, Jackie Chan, immigration, météo, Pontalis, ours | Lien permanent | Commentaires (0)