10/04/2007
Chasse à l'homme (et autres avis de turbulences)
Je m'en doutais un peu : ça se confirme. Depuis ces derniers jours, je suis un homme traqué.
Tout a commencé au bureau. C'est tout juste s'il n'a pas fallu que je crie que j'étais encore là avant qu'ils me fassent tomber les cloisons dessus. Pour un peu, ils m'auraient même coulé dans le béton, à la sicilienne, c'est un peu moins cruel qu'à la batte de base-ball dans un champ de maïs version Casino. Mais tout de même, après dix ans de bons et loyaux services, ça fait quand même de la peine, des méthodes pareilles. Et puis c'est pas dans le droit du travail non plus - ou alors peut-être à la section BTP, faudra que je jette un oeil un de ces jours, on ne sait jamais, c'est des petits malins au bureau, un de plus un de moins, ça se voit pas dans le Document de référence, l'essentiel, c'est que ce soit de la belle ouvrage.
Changement de décor juste après. Voilà que je me retrouve à l'Ourcine au milieu d'une bande d'Américaines en goguette qui parlent chiffons entre un débarquement de Chicago et une mission à Londres. Une autre planète. J'ai fait celui qui maîtrisait bien le sujet, entre le velouté et les Saint-Jacques, mais je n'ai pas donné le change longtemps. Elles ont bien vu les filles que, question shopping, j'assurais pas des masses. J'ai bien essayé d'en caser une lorsque Neil a raconté son accident de camion (c'est elle qui conduisait ; je n'ai pas tout compris mais il y a quand même un moment où j'ai arrêté de compter les morts dans cette histoire). Mais bon, je ne m'y connais pas très bien en camions non plus. Ils l'ont bien senti à la SLN quand j'ai débarqué, il y a dix ans. Du coup, ils m'ont orienté sur la communication en croyant que j'y ferais moins de dégâts. Ils se doutaient pas, les gars.
Après, à la maison, à défaut d'un défilé de mode sur la nouvelle collection de chez Abercrombie, j'ai eu droit au défilé des amateurs d'électro-ménager, section Ile-de-France, vu que si on avait embarqué notre matériel là-bas, j'aurais sans doute déclenché la plus grande panne électrique de l'histoire des Etats-Unis (il faut dire qu'elle a un peu vécu la gazinière, on dirait un peu ma grand-mère, en moins agitée tout de même ; je ne sais pas si c'est mon prochain statut de cowboy, mais je trouve qu'on dirait un peu Ma Dalton ma grand-mère, ces derniers temps). Et hop, à peine arrivé, déjà fiché comme terroriste, ça aurait quand même fait désordre dans ma nouvelle notice du Who's who. Il fallait quand même bien que je la case quelque part celle-là, vu que j'en ai quand même marre de passer pour une tache obscure. Et puis je sais enfin qui je suis maintenant : une tache peut-être, mais éclairée.
Ça aurait fait d'autant plus tache d'ailleurs que, dans le même temps, dans la Lettre de l'Expansion de lundi dernier, ils ont fait passer mon avis de départ avant la brève sur Jacques Chirac. Il a un peu baissé Chirac non ? Parce qu'avant, il ne m'aurait jamais laissé passer devant, c'est sûr. Du coup, il y a Shimon Perez et Ehud Olmert qui, s'étant fait recaler derrière le Che sur la même page, ne me parlent plus. C'est bien gentil tout ça les amis, mais comment on va en sortir du conflit israelo-palestinien maintenant ? Quelqu'un y a pensé à ça, ou il faut vraiment que je m'occupe de tout : des cartons, du divorce du concierge, de la coupure du compteur électrique ET de la paix au Moyen-Orient ?
N'empêche, côté amateurs d'électro-ménager, j'ai tout vu ces derniers jours : les amoureux, qui viennent contempler la chose au crépuscule, mais quand même surtout les étoiles par la fenêtre ; les arnaqueurs slaves qui attendent la veille du déménagement pour me proposer une négociation au thallium ; l'étudiante, qui me conjure de suspendre les offres en cours et de tout lui réserver pour le lendemain avant de fuir dans la nuit en Patagonie, la traîtresse ; le technicien qui me demande si le sèche-linge il est à condensation ou à évacuation, comme s'il y avait pas un moment où il fallait bien l'évacuer le linge, je vous jure. Là où ça a quand même été vraiment tendu avec l'expert en sèche-linge, c'est quand il a rappelé une heure plus tard pour nous expliquer que le sèche-linge en question, il avait l'air franchement HS - et lui franchement énervé par la même occasion. J'ai bien senti qu'il fallait faire un geste, sinon, ça ferait comme au bureau. Peut-être même avec une petite pointe de raffinement oriental en plus.
Et puis, c'est hier, peu après l'aube, qu'ils m'ont donné le coup de grâce. Un commando de déménageurs a soudain fait irruption sur le palier. Je dois dire que je les ai trouvés plutôt humanistes, dans un premier temps, ces types. Ils ont bien vu que j'étais pas bien réveillé. Du coup, ils sont redescendus prendre un café le temps que je comprenne ce qu'ils me voulaient - et moi, mal réveillé, donc ingrat, qui me dis : ah ben d'accord, ils m'ont l'air de se la couler douce dans cette boîte. Ça n'a pas raté : forcément, les types, en remontant, ils se sont vengés. C'est tout juste si j'ai pu sauver le lit pour le soir avec quelques valises dessus - et encore, il a fallu défendre mon troupeau de bagages pire que Charley Waite dans Open Range. La récompense, c'est que si tu t'en tires bien, le soir il y a Sue Barlow sur le retour de Londres qui te tombe dans les bras.
Tu parles d'un monde de brutes. Moi qui étais justement en train de m'attendrir la veille sur l'appartement que nous sommes en train de quitter, à Port Royal. Du coup, j'ai trouvé refuge au Lutétia, sous le portrait d'Hemingway. C'est un truc de blogomane, pas à cause du portrait mais du business center, que j'ai appris en lisant une interview d'Assouline. Et puis comme dit Hugo, "quand la nuit essaie de revenir, il faut allumer les lumières comme on rallume les flambeaux". Tout ça pour dire que le décollage approchant (c'est pour lundi prochain), ça risque d'être quand même un peu pertubé ces prochains jours par ici.
07:18 Publié dans La vie quotidienne au temps de Jacques Chirac | Tags : Casino, Abercrombie, Chirac, Shimon Perez, Hemingway, Assouline, Lutetia | Lien permanent | Commentaires (0)