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18/08/2009

Je me souviens (3) Mason Chapel (Mariage blanc, Black power)

Je me souviens du démarrage laborieux de la bénédiction, dans la torpeur de l'été, lorsque nous sommes arrivés à la chapelle Mason, sur Malcom X Boulevard en plein coeur de Harlem, entre l'heure du déjeuner et celle de la sieste.

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Je me souviens des pompes en croco de Mason, qui nous attendait en sirotant un coca sur sa chaise, devant la grille, face à un groupe de vieux Blacks (on aurait dit une bande de Cubains), assis à l'ombre entre un arbre chétif et l'entrée du parking déglingué, à côté de la chapelle.

Je me souviens de l'accueil d'Edna nous rappelant qu'ils n'avaient "jamais fait ça", une bénédiction d'un mariage de Blancs.

Je me souviens des incantations de Mason et des mots de Bishop, l'un nous faisant des clins d'oeil en évoquant le lit conjugual, l'autre mettant les pieds dans le plat de la couleur.

Je me souviens des pas de danse frénétiques de Bishop, qu'il fait souvent lorsqu'il regagne son banc, quand il a le sentiment d'avoir dit quelque chose qui compte.

Je me souviens de nos battements de mains et de nos swings épurés (à la manière de Barack chez Ellen) sur les airs de Gospel, entre le choeur des filles et l'assistance, derrière, qui commençait à se laisser embarquer par la danse - c'était la joyeuse conversion d'une assemblée papale en band presbytérien.

Je me souviens du contresens qui fut fait lorsque l'on regretta qu'il y eût les Blancs d'un côté, les Blacks de l'autre - c'était une idée de Blanc, nous n'étions qu'invités.

Je me souviens de la beauté envoûtante de In the Name of God et de Without you et de la voix claire de Jasmine, lorsque le choeur reprenait le refrain du pianiste.

Je me souviens des paroles douces d'Edna, du choeur faisant corps - du cercle de prière qui nous enveloppait, pour la bénédiction.

Je me souviens aussi de ce que nous dit un soir, une semaine plus tôt, le révérend Linda Tarry-Chard - que le mariage, c'était bien beau, que nous n'en traverserions pas moins de sérieux problèmes, mais que tout irait bien si nous mettions Dieu entre nous...

Je me souviens de l'émotion des uns, parfois un peu secoués, de l'enthousiasme des autres, et du ravissement fraternel des uns et des autres au fur et à mesure de cette cérémonie improbable.

Je me souviens des "Praise the Lord !", des "God Bless You !" et des "Alleluïa !" qui rythmèrent les incantations enflammées, puis les joyeuses accolades quand vint finalement l'heure de redescendre sur terre.

13/08/2009

Toasts (2) Régine : la Petite Reine, suite (portrait de l'épouse en dynamo de progrès)

"Chers Olivier et Annie,

En tant que témoin d'Olivier, je ne peux pas ne pas évoquer toutes ces longues et belles années d'amitié, tout d'abord une relation prof-élève, avec un premier contact un peu rude (n'est-ce pas, Jean-Charles ?) où deux gamins espiègles et frondeurs se croyaient tranquilles pendant l'heure du midi lorsque les classes sont normalement désertées... jusqu'à ce que je les repère et les apostrophe...

Et puis, je crois, ensemble une belle année de cours, de découvertes, d'exigences (eh oui !), d'amusements pour vous deux et, en fin d'année, l'envol vers d'autres horizons avec, pour Olivier, en pointillés et en rendez-vous variés et parfois hasardeux, le plaisir de nos apartés au bistrot, en pique-niques, en trajets "express" de voiture et, pour moi, le plaisir de te voir grandir, Olivier, changer, gagner de l'assurance et renforcer ta personnalité : Rouen, Paris, Sciences Po, Nouméa, le Quai d'Orsay, Eramet, l'Institut du Nickel en passant au niveau international...

Parallèlement, Charlotte à un an, dix ans, vingt ans, un jour trente ans... Ta protégée, portée par ton affection et ta bienveillance...

Est arrivée entre temps Annie, un si beau cadeau, qui semble née pour apporter l'harmonie, qui veille attentivement au bonheur de chacun, qui a su faire des épreuves de sa vie une dynamique de progrès et qui t'a entraîné dans l'aventure américaine.

Je me rappelle, Annie, notre première rencontre chez Olivier, Boulevard de Port-Royal, dans mon arrondissement fétiche du cinquième. J'arrivais, pas très fraîche, d'un cocktail, avec une amie, nous avons bu du champagne et tu avais transformé des radis en fleurs comme tu transformes des logements en lieux de vie et des relations en affection. Et puis nous sommes allés chez Marty : tu étais là, jolie, cachant une certaine timidité et les soucis de la vie sous un air paisible et charmant, parfois naïf et déroutant, et tu es devenue pour moi celle qui a le génie d'apaiser Olivier en le rendant heureux et en lui évitant de s'inquiéter. Styliste, étudiante puis recrutée aux USA et embarquant Olivier dans cette entreprise...

Aujourd'hui, revenus de l'Ohio, capables de trouver un formidable logement à New York, vous continuez à construire votre bonheur, bientôt à trois...

Olivier et Annie, vous nous bluffez, vous nous impressionnez, vous nous épatez et nous vous souhaitons une vie heureuse et sereine - en fait, tout simplement, une vie digne de vous deux."

12/08/2009

Toasts (1) Autoportrait de l'époux en coureur cycliste

"Nous sommes vraiment très heureux de vous accueillir ici, pour notre mariage, et très sensibles au fait que vous ayez fait le voyage, et parfois même un très long voyage pour être de la partie – comme Christine, qui vient de Nouvelle-Calédonie où elle tâche de faire en sorte que les gros requins du nickel ne mangent pas tous les petits poissons du lagon.

C’est d’ailleurs un mariage très international : Autriche, Nouvelle-Calédonie, mais aussi Allemagne, Australie, Suisse, Italie, Etats-Unis... Non seulement on a les Nations-Unies, mais nous avons aussi les Provinces unies avec les Pays de la Loire, la Normandie, Rhônes-Alpes, Midi-Pyrénées et PACA.

Un – très – grand merci aussi pour vos contributions. C’est vraiment très généreux.

Cela dit, l’autre jour, on a repéré un Rothko, dans une galerie de Madison. Comme ce n’était qu’un petit Rothko, il n’était qu’à seulement 3,2 millions $.

Mais quand même.

On va faire repasser la corbeille du mariage pour voir si, des fois, on ne pourrait pas repasser dignement dans la galerie en question.

***

Il y a maintenant bientôt trois ans que nous sommes ici, en Amérique, et je ne crois pas que nous l’ayons jamais regretté ; il est vrai aussi qu’on n’était pas mariés, jusqu’ici.

La première année, celle de l’installation à Columbus, a été difficile, surtout lorsqu’il a fallu rénover la maison que nous avions achetée (au pire de la crise des "subprimes"), moi qui ai autant de passion que de talent pour le bricolage - et avec un décorateur en chef qui était, de surcroît, particulièrement créatif.

La seconde, celle des déplacements dans tous les sens, a été, disons, mouvementée : en cumul, à deux, on a bien dû faire trois ou quatre fois le tour de la planète.

Quant à la troisième, j’ai bien peur qu’elle ne soit la dernière année de grasses matinées avant longtemps.

Nous l’avons d’ailleurs échappé belle. Je ne savais pas que les trois premiers mois de grossesse sont particulièrement fatiguants pour les futures mamans et, bon, pour ceux qui ne le savent pas encore, Poune aime bien dormir. Et a, en particulier, une capacité assez extraordinaire à s’endormir très rapidement.

Il y a donc eu de légères incompréhensions lorsque nous discutions du programme du mariage en mai-juin, et de cette soirée-ci en particulier, Poune semblant dire : « Mais pourquoi on ne dîne pas très tôt et après, vers 9-10h00, hop la ! on rentre à la maison et tout le monde est conteeeent… ». Et moi commençant de m’emporter...

Mais, le temps que je réponde, elle dormait déjà. 

C’était une période où nous avons eu un dialogue très riche. 

***

Vous connaissez maintenant le mot de Tristan Bernard qui nous a amusés : « Le mariage permet de résoudre à deux les problèmes qu’on ne se posait pas tout seul ». A commencer par l’organisation du mariage lui-même car, vous le savez sûrement aussi, j’ai autant de talent pour le bricolage que de goût pour la logistique. Eh bien, vu les dernières semaines de course d’obstacles en tous genres que je viens de passer, on dirait que le mariage peut, en effet, changer un homme.

C’est d'ailleurs ce que m’a dit Jude Ogboe, le chauffeur de taxi malien, hier matin, alors que je tâchais de faire, en un temps record, une triangulaire entre la 42ème, pour dénicher des articles de sport, et Upper West Side pour faire quelques courses, en passant par Madison Avenue pour y récupérer des chaussures. Alors que je m’emportais (assez vivement) contre les embouteillages, en rappelant que non seulement je me mariais le lendemain, mais qu’en plus nous avions eu l’idée brillante d’organiser un pique-nique la veille, et que c’était justement à ce moment-là que tout le monde ralentissait exprès, Jude m’a regardé dans son rétroviseur et m’a dit :

- « Ohlaaaa, tu vas te marier, mon ami ? Welcome to the New World ! ».

Mais de quel "new world" parlait-il donc ?

Il a ajouté : « Tu vois, les femmes, les hommes, c’est trop différent. C’est pas la même idéologie. Moi, je n’aime pas me disputer, alors je fais ce qu’elle dit et, comme ça, il y a la paix à la maison ».

C'est une stratégie.

Et puis il a conclu en me disant : « La femme est le médicament de l’homme. Avant j’étais une canaille, oui mon frère, une véritable canaille ! mais, maintenant, tu sais quoi ?... Je suis devenu un homme droit ».

Tout un programme.

D’ailleurs, Poune a commencé ce travail de redressement. L’autre jour, elle me parle d’un roman que j’avais ramené d’un voyage en Europe, "Tout est dans la tête" d’Alistair Campbell, l'ancien conseiller en communication de Tony Blair - une galerie de personnages qui défilent devant un psychanalyste, tous plus tordus les uns que les autres. A l’un d’eux, qui passe son temps à commettre adultère sur adultère, le psy finit par recommander de faire du vélo.

C’est ce que Poune me racontait du livre, alors que nous descendions vers les piers de Chelsea à la recherche d'un bateau pour dimanche.

Il y a eu un petit moment de silence.

(...)

Après quoi, elle ajoute, très doucement, et même, très innocemment :

- « Mondoudou, tu n’aimerais pas faire du vélo, toi ? ».

Deux semaines plus tard, j'avais un super vélo pour mon anniversaire.

***

Si la femme est le "médicament de l’homme", comme dit Jude, eh bien, j’ai dû trouver le plus doux des médicaments qui soit et, pour ainsi dire, le remède miracle.

Sans toi, ma Poune, la vie serait beaucoup moins belle ; beaucoup moins douce ; beaucoup moins surprenante - et aussi, beaucoup moins drôle.

A vous tous, merci encore d’être là.

On vous aime."

06/08/2009

Je me souviens (2) Riverside Church (C'était un Indien enturbanné nous menant à un mariage pas très catholique dans une église presbytérienne...)

Je me souviens du chauffeur qui nous a emmené dans une limousine noire - tu me faisais une boutonnière assortie à ton bouquet de mariée tandis qu'en retard nous dévalions les escaliers vers la voiture qui patientait devant la maison ; c'était un Indien enturbanné qui nous menait à un mariage pas très catholique dans une église presbytérienne.

Je me souviens de notre arrivée à l'angle de Riverside Drive et de la 120ème rue, de nos premières poses improvisées à la demande générale malgré mes protestations amusées, des retrouvailles chaleureuses avec les uns et les autres - de l'émotion de ceux qui découvrirent ton joli petit ventre rond ; puis, quelques instants plus tard, de l'irruption d'Eric, que je croyais perdu en route, et de la majestueuse arrivée de la Hautot Hat Connection.

Je me souviens de Don Giovanni et de Norma, des basses profondes de Jean-Philippe sur Deh vieni alla finestra, des vibrato de Bryn Jimenez sur Casta Diva et de l'hymne à la Douceur que fut leur duo dans Là ci darem la mano s'élevant dans la Christ Chapel en prélude à la cérémonie comme un pur instant de beauté  - était-ce un prélude ou était-ce l'essentiel ?

Je me souviens de la doublure de soie que tu as déchirée lorsque, voyant soudain que je te tendais la main pour monter à l'autel, tu as préféré la saisir plutôt que de tenir ta belle robe de mariée et que tu faillis, du coup, te prendre les pieds dans le tapis.

Je me souviens de Jean-Charles nous apportant les alliances dans un beau geste technique - sobre, efficace (même si, tu ne peux rien y faire, mon vieux pote, l'offrande réussie à l'autel n'effacera jamais de ma mémoire hilare ce magnifique ratage au stade, aux heures valeureuses du collège).

Je me souviens de la difficulté que j'ai eue à te mettre la bague au doigt dans la chaleur humide de l'été, puis de l'éclat de rire qui a fusé dans la chapelle lorsque expérimentant à ton tour un semblable "petit problème" (aurait dit Tanguy) tu t'es tournée à ta manière, incrédule et amusée, vers l'assistance ravie.

Je me souviens du "Je le veux" prononcé en français avant la formule rituelle en anglais parce que rien, jamais - ni l'italien de mon enfance, ni l'anglais de notre aventure - ne remplacera la langue selon mon coeur ; je me souviens avoir, dans la foulée, pensé à Obama trébuchant sur son serment présidentiel lorsque ma langue, pour le coup, a fourché sur mes voeux ("I hill with the welp of God...") et de ceux que tu as hoquetés, ma promise, comme pour les retenir encore un peu tandis que je te t'apaisais en te caressant doucement les mains.

Je me souviens de la douce imposition des mains du Révérend Linda Tarry-Chard, tantôt sur toi et tantôt sur moi, nous enveloppant de sa bienveillance pour la clôture de la cérémonie : "Annie and Olivier, you have committed yourselves to each other in this joyous and sacred covenant. Fulfill your promises, live in peace, love and serve God, honor each other and all people. Know joy and blessing, for since you have united yourselves in faithful loving, I pronounce in the name of God/The Holy One that you are husband and wife. Amen" - et de son sourire amusé lorsque, à la suite de l'invitation rituelle : "You may share a kiss", nous substituâmes au prude baiser américain un French kiss plus enjoué.

Je me souviens, après les préludes de Bach - Jesu, Joy of Man's Desiring et Sheep May Safely Graze - du Bridal Chorus dignement entonné a cappella par la confrérie des mariés lorsque les orgues se turent, après les signatures.

Je me souviens aussi, joyeux pied-de-nez aux enterrements imbéciles, d'une photo de garçons en pack dans le Sakura Park, le jardin des cerisiers, qui jouxtait l'église.

05/08/2009

Je me souviens (1) Pique-nique à Central Park (Un carré de cowboys au milieu des Indiens)

Voici une série de souvenirs, ordonnés par séquence, des moments que nous avons passés ensemble, griffonnés sur un coin de table, à la manière de Perec, au cours des quelques jours que nous venons de passer à Cape Cod. Si le coeur vous en dit, mêlez-y les vôtres...

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Je me souviens de l'accueil enthousiaste de Jack qui trépignait d'impatience au beau milieu de la pelouse de Sheep Meadow une heure à l'avance - et de son ivresse contagieuse, à la nuit tombée, lorsque nous quittions la pelouse.

Je me souviens de mon home run plein d'allant propulsant la balle de base ball à l'est de Sheep Meadow au second lancer de JP comme pour donner le signal de la fête.

Je me souviens de l'extase des French cheer leaders devant les courses d'Habib.

Je me souviens des sandwiches au homard et du Pinot Grigio, des fromages du pays et du Madiran de Montus, des cerises juteuses, et des letchis savoureux qu'on aurait dit venus de mon ancienne maison de la Vallée des Colons.

Je me souviens des placages (irréguliers) de JPP, des plongeons (audacieux) de Jean-Phi, d'un lancer de frisbee malheureux (...) et des passes de football américain avec Régine toujours accompagnées de petits cris aigus.

Je me souviens de Christine, allongée sous le ciel de Manhattan.

Je me souviens de Poune épanouie dans sa belle robe de soie grise Dona Karan et de ses grosses lunettes mouche au milieu du cercle que nous formions au centre de la pelouse comme un carré de cowboys au milieu des Indiens.