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24/12/2007

Bruce Lee, Obama et moi (1) Vertige de l'amour à l'état de pré-cristallisation automnale

La première fois, ça m'avait pris en traversant Chinatown en direction de Little Italy, NYC. "Tu veux te battre avec moi ?" lançais-je à la cantonnade en esquissant le geste qui ouvre le premier kata do shokotan, sous les yeux effarés de ma compagne, qui devait alors se dire à elle-même : "Mon Dieu, je me suis complètement trompée sur le compte de ce type, qui m'a tout l'air d'un dangereux frappadingue" (comme dirait ma copine Régine). A moins qu'il ne s'agisse d'un abruti fini ?" hésita-t-elle peut-être alors.

Vertige de l'amour à l'état de pré-cristallisation automnale. Cela ne faisait pas extrêmement longtemps en effet que nous étions ensemble, peut-être deux ou trois mois en décomptant cette s... d'été - ah, l'aimable saison - où elle m'avait laissé quasiment sans nouvelles, la langue pendante, brûlant au soleil, après notre première rencontre. Alors soit, passons sur ces atroces souffrances puisque ce n'est pas là le sujet de cette chronique, mais ne glissons pas pour autant, sous la torture éponyme, sur le côté déjà chinois de l'affaire.

La Chine a beau être la magnifique contrée que décrivent avec tant d'entrain les associations philanthropiques tibétaines, elle n'en recèle donc pas moins en son sein un horrible déni du droit de l'homme qui a rencontré sa femme au début de l'été à la retrouver avant la fin du moins de septembre. Ingrid Betancourt ? On va y arriver ! Le Darfour ? Continuons ! Mais l'amour en Chine, qui s'en soucie ? Question droits de l'Homme, il y aurait donc bien deux poids, deux gonades.

Or donc, au beau milieu de Chinatown, juste avant que je ne finisse par entrer dans une boutique de massage du dos express avec vue sur rue pour me détendre (je travaillai beaucoup cet automne-là), je vérifiais, non sans bravoure, et d'une façon imparable, mon invulnérabilité - un peu comme du Guesclin, si l'on veut, mais sans l'armure, donc plus souple, mais aussi plus exposé.

Car aucun asiate n'osa relever le défi, le lâche.

Pourtant, aujourd'hui encore, je m'interroge : étaient-ils réellement pétrifiés par la puissance de mon art ? (la place me manque ici pour rentrer dans la technique, mais disons simplement que j'avais étudié avec soin, des années même avant de pratiquer cet art noble et viril à l'Université de Mont-Saint Aignan, la technique brucelinienne associant la souplesse du chat à la force du tigre) Ou bien n'y en avait-il réellement pas un pour parler français, dans ce quartier ?

26/10/2007

L'exfiltration du guerrier viking en terres australes via la gare de Rouen

Il fallait s'y attendre. Le résultat lamentable de ce périple en tous sens entre l'Europe, l'Amérique, l'Asie et l'Océanie, ces dernières semaines, c'est un ensemble de rêves abracadabrantesques qui s'emmêlent les pinceaux en une sorte de conte féérique et guerrier.

Moi qui ne me souviens presque jamais de mes rêves (ce qui, paraît-il, signale des songes pervers, rien moins, j'avais bien besoin de ça), j'ai pris le parti d'en noter quelques bribes sur un petit carnet de nuit ramené de l'Intercontinental d'Hong Kong.

C'est pas moi qui l'ai piqué, le carnet.

Du coup, on verra bien si c'est aussi pervers que ça ; d'ailleurs, si ça l'est vraiment - je prends bien déjà quelques libertés avec le casting -, je commettrais quelques petits arrangements au montage.

Ça a commencé l'autre nuit. Je me retrouvai propulsé à la tête d'une bande de Norvégiens sanguinaires - le chef répondait au nom, tout à fait inattendu, de Knut -, qui s'apprêtaient à faire main basse, non sur la schnouf, mais sur la Normandie.

Un réalisateur northumbrien en difficulté aura sans doute pensé à un remake facile en forme de comédie musicale sur le thème plein de fraîcheur : "J'irai revoir ma Normandie " pour se relancer à travers un partenariat, sponsorisé par Media Plus, entre la Svensk Filmindustri et les Caudebec-en-Caux Cruise.

On a beau dire, on sent une indéniable accélération - oserais-je dire un nouveau souffle ? - sur le plan culturel, depuis l'approbation du Traité simplifié. Qu'est-ce que ça va être après la ratification, les enfants.

Le problème, c'est que tout ce petit monde gueulait vraiment très fort en attendant le prochain Intercités, en anglais - ce qui relativise clairement tout ce que notre vision des hordes du Nord pourrait véhiculer de primitif -, et dans le hall de la gare de Rouen en plus, qui résonne beaucoup comme hall, on dirait une cathédrale.

Et puis, la nuit dernière, vous allez rire - du moins, ceux qui, me connaissant un peu, savent combien j'ai su conserver une certaine sobriété de moeurs en dépit d'une carrière fulgurante et de sollicitations aussi multiples que décousues -, je me retrouve en prince perse, peut-être wahhabite, circulant majestueusement dans une sorte d'immense salon zen.

On aurait dit le deuxième étage du Metropolitan de Bangkok sur Sathorn Road, dédié à tout un tas de soins chics et bienfaisants. A moins qu'il ne se soit agi des installations de l'Athletic Club de Columbus - un club huppé, niché dans un vénérable building de briques rouges sur Broad Street, que nous nous apprêtons à rejoindre ; du moins que nous nous apprêtions à rejoindre avant qu'il y en ait un qui ne tombit, que dis-je, qui ne chutassions sur la petite ligne qui précisait les admission fees s'ajoutant aux cotisations mensuelles, ainsi qu'aux frais de parking, de coaching et de fooding.

Là, en peignoir, je déclare humblement à deux jeunes journalistes calédoniennes qui m'entourent, tandis qu'une maîtresse de jeunesse, aussi saxophoniste que dévergondée, me guette d'un peu plus loin, que je m'en vais prétendre au Goncourt chez Flammarion. Sur ce, dans un rêve désespérément borné au plan de la géographie comme en une sorte de résistance sourde et bien campée à cette longue suite d'escales, je me prépare à (re)prendre le train pour, devinez quoi, aller (re)voir ma Normandie.

Je ne sais pas qui est le trouvère souffreteux qui a inventé la chanson, mais je ne serais pas fâché que Knut et sa bande - et cela même, rétrospectivement, dès les premières descentes historiques sur Villequier, un peu comme Jim Caviezel par Denzel Washington dans Déjà vu -, le zigouillent une bonne fois pour toutes. Ça m'ouvrirait des horizons sur le plan onirique. Et puis ça éviterait des tas de morts inutiles sur le Mississipi, en plus.

10/09/2007

Persoweb : lettre aux (é)lecteurs

Je publie ici, pour mémoire, une note un peu fantaisiste (d'où le déménagement) initialement parue sur "New world,new deal" à l'occasion de la nomination de ce dernier blog pour le concours Persoweb organisé par Le Soir et RTL, alors que le président de la République venait de rendre publique sa "lettre aux éducateurs".


Madamemonsieur,

Avec un jour de retard sur la date que j'avais initialement prévue - mais bon, je vous le dis sans détour, il fallait vraiment qu'on sème la pelouse aujourd'hui vu qu'on reporte ça depuis le printemps -, je saisis l'occasion de la rentrée, la première depuis que je suis aux Etats-Unis d'Amérique, pour vous écrire.

Je souhaite vous parler de l'avenir de nos relations. Cet avenir, il est entre les mains de chacun d'entre vous qui avez en charge de choisir, de sélectionner, de protéger l'esprit et la sensibilité qui, certes, ne sont pas encore complètement formatés, qui n'ont pas atteint leur pleine maturité (oui bon ça va), qui se cherchent, qui sont encore fragiles, vulnérables (il est lourd des fois lui aussi) - mais bon en même temps aussi très forts dans leur tête (non mais).

Ah, qu'il faut en traverser des épreuves Madamemonsieur, des fois, je vous jure quand on voit que dans son propre courrier il y en a qui vous tirent dans votre propre pied sous votre propre plume, et aussi que dès qu'on a le dos tourné, il n'y a plus personne qui vote pour vous.

Vous avez la responsabilité d'accompagner l'épanouissement de ses aptitudes intellectuelles, de son sens moral - et, pour ce qui est de ses capacités physiques, si quelqu'un sait comment on peut surmonter les crampes au-delà des 20 km, qu'il m'écrive. Cette responsabilité n'est pas si lourde que ça, quand on y pense, mais elle est des plus belles et des plus gratifiantes - et d'abord pour vous car, je vous le dis, Madamemonsieur, ma victoire, ce sera la victoire d'une équipe qui gagne.

Et une équipe-qui-gagne qui perd, ça ne s'est jamais vu.

Ou alors à la dernière coupe du monde de foot, mais bon, alors là, si on se met à insulter ses adversaires et leur famille aussi, où on va, hein, je vous le demande ? Question sens moral dont je viens justement de parler, on a bonne mine après.

Non, Madamemonsieur, aider mon intelligence, ma sensibilité à s'épanouir, à trouver leur chemin - comme par exemple l'autre jour après le festival grec -, quoi de plus grand et de plus beau en effet - et aussi de plus pratique, après le festival grec ? (Soyons clair : je n'ai rien contre les Grecs et d'ailleurs, même si c'était le cas, je ne pourrais guère, dans ma position, en faire état. Tant de culture. Et tellement d'incendies en ce moment, en plus. Mais bon, si, dans le vin résiné, ils pouvaient mettre un peu plus de vin et un peu moins de résiné, ça détendrait quand même tout le monde et on retrouverait plus facilement son chemin après, comme je dis dans ma lettre).

Quoi de plus difficile aussi ? Mouais, bof. Je l'ai écrit, je l'ai écrit ; mais je ne suis pas persuadé que ça soye super dur non plus, il ne faut tout de même pas exagérer. Car à côté de la fierté de voir le nombre de votes grandir, les commentaires et les jugements s'affirmer, à côté du bonheur précieux - et aussi, là d'accord : fragile et vulnérable - de cliquer sur lui, il y a toujours la crainte de se tromper, de brider un talent, de freiner un élan, d'être trop indulgent ou trop sévère, de ne pas comprendre ce que ce brave type, au fond, porte lui-même, comme par exemple les lourds sacs de graines et d'engrais ce matin, ce qu'il éprouve quand il sème, et la pelouse qu'il est bien capable de réussir à faire sortir de terre, le bougre - du moins, si les oiseaux veulent bien arrêter de bouffer les graines et les écureuils de creuser des trous.

Je ne le répéterai pas deux fois.

Eduquer c'est chercher à concilier deux mouvements contraires : celui qui porte l'écureuil à trouver sa noisette et celui qui pousse à lui inculquer que, faire des trous partout, franchement, ça rien de juste, beau et vrai. Et ce n'est pas la peine d'avoir lu Platoon pour en arriver à cette conclusion.

Une exigence s'impose au lecteur face au blog qui grandit, celle de ne pas étouffer son développement sans renoncer à lui faire part de vos commentaires. Chaque blog, chaque post a sa manière propre. Savoir ou le trouver était placé au-dessus de tout - oui bon, il ne faut pas pousser non plus. Cette relation a sa grandeur. Exigeante et rigoureuse, elle tirait, et elle tire encore, vers le haut, elle amenait, et elle amène encore, je ne sais pas si c'est malgré soi, mais c'est à se dépasser en tout cas.

L'exigence et la rigueur de cette relation en faisaient un puissant facteur de victoire au Persoweb.

Beaucoup de blogueurs néanmoins souffrent et se trouvent exclus des bienfaits du vote. Ce n'est pas parce qu'ils manquent de talent, ni parce qu'ils sont incapables d'apprendre et de comprendre, mais parce que leur sensibilité, leur intelligence, leur caractère se trouvent mal à l'aise dans les malheureuses voix que l'on veut lui attribuer à ce blog - une misère, Madamemonsieur.

Mais bon, Madamemonsieur, vu qu'il est quand même tard, que j'ai aussi beaucoup de travail demain à cause du retard lié à la pelouse qu'on ne pouvait pas reporter aujourd'hui et aussi des formalités administratives à préparer avant mes prochains voyages, je vais être obligé de reprendre demain ou plus tard ma lettre d'hier et de faire une petite parenthèse parce que, si je ne compte que sur mon premier projet de lettre, on n'est pas couchés.

Je me vois donc contraint de revenir quelques instants sur le concours "Persoweb" dont je vous ai parlé l'autre jour. Naturellement, si j'y reviens au risque disons d'une certaine lourdeur de style, c'est parce que même sans partager l'intimité de chacun d'entre vous tous les jours, je sais bien que vous avez tous, ou presque, déjà oublié. Ce n'est donc pas de gaité de coeur, croyez-moi. Surtout depuis que j'ai découvert les commentaires. Oh, ce n'est pas qu'ils soient désagréables ces commentaires, au contraire Madamemonsieur, c'est plutôt à cause des courants d'air entre les commentaires.

Vu que, globalement, c'est un peu chétif comme nombre de commentaires. Et je ne dis pas ça que pour Persoweb, même si c'est ma préoccupation du moment et que c'est pourquoi j'ai voulu vous écrire une lettre à votre domicile.

Et pourtant, Madamemonsieur, vous pouvez encore tout faire basculer. Jusqu'au 7 septembre - et remarquez bien, Madamemonsieur, qu'on est déjà le 5 -, vous pouvez attribuer un vote par jour - oui, par jour -, au blog de votre choix.

Par exemple : New world.

Ou sinon New deal.

Je ne suis pas fermé non plus. Je serais même le seul de ma catégorie à offrir une vraie alternative. Ah certes, j'entends déjà les beaux esprits protester. Mais c'est à tort : on peut très bien - new world - avoir un nouveau monde, mais sans aucune perspective nouvelle. Ou - new deal - un nouvel élan, mais toujours dans le même vieux monde.

L'enfer, quoi.

Eh bien, New world, new deal, c'est à la fois l'alternative et la synthèse. Un truc, en somme, à rendre fou le parti socialiste.

J'espère donc, pour ma part, qu'il y a plus de votes que de commentaires sur Persotruc, sinon je vais être obligé de me terrer sous la blogosphère, à l'étranger, pendant plus longtemps que prévu, les amis. Peut-être même pendant de longues décennies. Car enfin, le type qui reverrait sa normandie comme ça et qui n'aurait même pas gagné le concours Persoweb, entre nous, de quoi il aurait l'air à parcourir à cheval toute la côte de Cherbourg à Dieppe au retour, dédaigné de tous et seulement acclamé par les flots ?

Serait-il même décent qu'il rentrât au pays, même plus tard, le type ? Non, naturellement. Ou alors, c'est comme dans Braveheart, et alors là, pas de quartier les gars. Je ne menace personne : j'essaie juste d'anticiper sur un possible enchaînement des faits quand viendra l'heure de la reconstitution. Et alors là, Madamemonsieur, il sera trop tard pour dire qu'on ne savait pas.

Bref, j'en reviens à la fin de ma lettre.

Le temps de l'élection est venu. C'est à cette élection que je vous invite. Nous avons déjà trop tardé.

Surtout vous, Madamemonsieur.

Sacré Madamemonsieur, va.

30/05/2007

Qui veut rêver de gagner des millions ? (ma vie matérielle)

Mais c'est un vrai quartier de millionnaires, ce coin de German Village, qui d'ailleurs, comme tout quartier de millionnaires qui se respecte, devrait n'accueillir que des millionnaires. Il va falloir que je leur en parle, à mes nouveaux voisins.

Il faut toujours dire la vérité.

C'est ce que m'a appris mon père, à huit ans, lorsque l'on est allé habiter à la campagne et que j'ai raconté à tout le monde que j'étais champion de karaté. Il faut dire que je trouvais ça un peu ballot, comme idée, d'habiter la campagne, cauchoise en plus comme campagne - finir déjanté comme Maupassant, merci bien. D'ailleurs, à certains moments, ça n'a pas dû me passer bien loin, la déraison et, aujourd'hui encore, il y a des fois où je dois rester bien concentré pour ne pas m'emmêler les synapses.

Bref, j'ai dû surcompenser. Je faisais même des démonstrations de maniement du fouet - une technique chinoise ancestrale, comme chacun sait - devant mes nouveaux amis ébahis.

N'importe quoi.

Comme à l'école primaire, quand j'entraînais derrière moi toute la cour de récréation dans le rôle de Napoléon. Un soufle incontestable. C'est beau, l'enfance d'un chef. Ou que je mettais la foule en transe dans des concerts de rock mimés au coin de la cantine avec mon copain Christophe Lias (que je mettais au fond, à la batterie). Je crois bien qu'on a inventé une nouvelle langue par la même occasion, dans une sorte de no man's land linguistique entre le français et l'américain (il n'y a tout de même pas de hasard), avec peut-être aussi une petite pointe de swahili de temps à autres - ça fait toujours chic un petit laïus sur les racines africaines des mélodies endiablées dans les interviews d'après-concerts, dans le journal de l'école, en sirotant une grenadine au bord de la piscine municipale.

L'esperanto, à vrai dire, on s'en foutait un peu. L'essentiel, c'était de faire vibrer la foule. Ce qu'a d'ailleurs, plus tard, confirmé sans ambages mon thème astral des éditions Marabout selon lequel j'avais une relation privilégiée à la femme, à l'enfant - et à la foule. Et aussi que j'étais un amant remarquable, je n'invente rien, je veux dire, c'était incontestablement écrit par les gars de Marabout qui devaient quand même s'y connaître sur le sujet, sinon ils auraient pas fait écrivains chez Marabout. C'est d'ailleurs à ce moment-là - une mauvaise passe - que j'ai trouvé ça pas con, l'astrologie, ça me revient maintenant.

N'empêche, l'ivresse de la scène, les enfants, c'est vrai que ce n'est pas donné à tout le monde, mais c'est tout de même quelque chose.

Tout ce succès ne m'a d'ailleurs pas empêché de rester un garçon très accessible par ailleurs. J'ai su garder la tête froide. Un vrai gentleman, simple, avec toujours un mot gentil pour ses fans. Surtout pour Anne et Nath, je n'ai jamais pu réussir à choisir entre les deux. J'ai vu plus tard que Ray Charles avait eu le même problème, ça a fini par m'aider, cette proximité, je ne dis pas de nos talents - Ray déclinait un peu à l'époque tandis que j'étais en pleine ascension à l'école Henri Cahan - mais au moins de nos dilemmes, même si ça a pris du temps.

Mais, à la différence de Ray, j'ai évité la coke. Le talent musical avec, mais déjà, avec un dilemme, j'ai du mal, alors avec deux en même temps, il aurait fallu qu'en plus de la coke, je me mette à la sophrologie et j'ai toujours trouvé ça un peu fantasque, comme discipline, la sophrologie. Moins rigolo que la dianétique en tout cas, bien que je ne sois pas très calé non plus en dianétique.

Bref, comme il n'était pas encore fermement établi, à l'époque, que je fusse vraiment visionnaire - et cela bien que j'eusse tout de même fini, quelques années plus tard, par me commettre sur les tatamis de l'Université de Mont-Saint Aignan au cours d'une première année universitaire aussi brillante sur le plan intellectuel que lamentable sur le plan administratif (j'y reviendrai si le lecteur le souhaite, ça éclairera d'un jour neuf le débat, parfois un peu technique il faut bien le reconnaître, sur la réforme de l'Université) -, mon père a suggéré que je dévoile le pot aux roses.

- Père, vous n'y pensez pas ? (On pourrait pas trouver un petit arrangement, genre, je tonds la pelouse ou j'arrête de torturer ma cousine, et on n'en parle plus ?). Mais non, Père, qui condamne l'esbroufe par tempérament plus encore que par philosophie, resta inflexible. Je dois dire que j'ai un peu ramé après ça pour redresser mon image, la vache. Et ça n'a pas été la dernière fois.

Mais tout ceci ne nous avance guère : comment je fais, moi, maintenant, pour leur avouer qu'on n'est pas millionnaires, à mes nouveaux voisins ? Dans la campagne cauchoise, passe encore, surtout entre Criquetot Isneauville et Hautot-le-Vatois : il n'y en a pas un qui est assujetti à l'ISF, une vraie misère, c'est pas comme entre Baons-le-Comte et New York, par exemple.

Mais ici, ça va faire tâche, je le sens, ils voudront plus me parler mes voisins. Pourtant, moi, je ne suis pas sectaire, et on me trouve généralement sympathique. Quoique, ça dépend en fait : des fois, on me prend aussi pour un sale con. Par exemple, le conseiller d'éducation du collège Albert Camus, le chef de la cellule trotskiste de Rouen-Jeanne d'Arc et le responsable local des Témoins de Jéhovah, un peu plus tard, avec lesquels j'avais pourtant accepté de discuter bien que j'eusse tout de même autre chose à faire. On ne peut pas plaire à tout le monde, non plus. C'est difficile à admettre comme idée au départ, mais c'est le début de la sagesse.

Parce que je vois bien que ça les travaille, moi, cette affaire, mes voisins. Et je ne le sens pas encore très bien de lancer un débat de proximité sur la mixité sociale. Généreux, mais trop prématuré. Voire dangereux. D'ailleurs, le premier truc que m'a dit Phil, le propriétaire de la maison d'à-côté avec son magnifique sweat-shirt des Buckeye, c'est que notre arrivée allait faire grimper la valeur de son bien. Ben, c'est rien de le dire, mon gars, vu que, pour le moment, ce qui grimpe, c'est surtout le prix des travaux et la valeur de l'euro avec. Comme s'il ne suffisait pas d'une épreuve à la fois.

Si encore on avait acheté une vieille ford pourrie, ou une masure en contreplaqué, je ne dis pas. Au moins, une maison pourrie, ça présente l'avantage estimable qu'on ne s'interroge pas pendant des semaines sur la meilleure manière de faire les travaux dedans, ni d'y faire entrer avec un sens consommé de l'ingénierie tous les corps de métiers avec, par la même occasion.

Non, ça ne vient pas même à l'idée, le concept de travaux, dans un gourbi. T'as ton gourbi, et voilà, t'es content et tu n'en bouges plus - du moins pas avant qu'il y en ait un qui se décide à défiscaliser les intérêts d'emprunts. Et encore, tu attends quand même qu'ils se mettent tous d'accord autour d'une loi en bonne et due forme, des fois qu'ils soient plusieurs sur le sujet à vouloir y ajouter une petite touche personnelle.

Non mais, si tout le monde donnait son opinion géopolitique, comment on la ferait, nous, la guerre en Irak ici, hein ?

En fait, je sens bien que ma réflexion n'est pas mûre sur le sujet, avec mes voisins. Je le sais, je ne devrais pas écrire avant d'être bien au clair, sinon après, ça me décrédibilise. S'il est vrai que la nuit porte conseil et aussi qu'une climatisation forcenée rafraîchit les idées au-delà de 80° fahrenheit, je devrais peut-être en laisser passer une ou deux, de nuits, avant de définir une stratégie.

D'ailleurs, moi qui ne me souviens jamais de mes rêves, je crois bien que la nuit dernière, j'en ai fait un en dollars. Ce n'est pas sans doute pas le commencement de la fortune, mais c'est sûrement le début de l'intégration.