04/08/2009
Chaud devant ! (Chez daniel)
7 Juin 2009.
J'ai découvert Daniel Boulud dans un article du Monde il y a quelques mois : originaire du Lyonnais, il présidait un jury gastronomique voué à distinguer de jeunes chefs prometteurs de toutes nationalités (je crois que c'est un Danois qui fut finalement sélectionné). Or, Daniel Boulud n'y était pas seulement présenté comme un Lyonnais, mais aussi comme un chef new-yorkais renommé s'attachant, avec une créativité certaine, à marier le meilleur des traditions française et américaine dans chacun de ses quatre restaurants de Manhattan.
Je vous entend déjà, raillant la partie américaine de cette étrange équation : ce type ferait en somme des hamburgers au foie gras ?... Ah ah ah. Eh bien : oui. C'est même là l'une des fiertés du restaurant qu'il tient Midtown, une brasserie branchée au design contemporain pour une clientèle d'affaires. Nous l'avons même testé un dimanche soir, avec quelques autres trouvailles mises au point par le jeune chef alsacien en charge des lieux (Olivier Je-ne-me-souviens-plus-quoi, un type naturellement très bien). Intéressant pour une découverte d'un soir, mais pas vraiment à la hauteur de ce que nous souhaitions. Avec, de surcroît, une salle difficile à privatiser pour l'événement.
En fait, nous avons commencé l'exploration (à l'époque, il ne s'agissait pas encore de trouver le bon endroit pour le mariage, mais de trouver quelques solides repères dans le voisinage) au Bar Boulud, à deux pas de la maison, face au Lincoln Center. Jean-Philippe dit "Boulu", mais les Américains n'en persistent pas moins avec leur joli "Bioulude" qui pour le coup semble bien faire jurisprudence - le Conseil d'Etat, en somme, désavoué par la Cour Suprême, on aura tout vu. Une brasserie au style à la fois chic et informel qui aligne une série de banquettes de bois parallèlement à un long bar américain - ici, comme en Espagne, on adore prendre ses repas au bar et, à titre personnel (car "on" ne partage pas forcément cet avis en toutes circonstances), cette pratique me semble à la fois en conformité avec l'époque, pleine d'avenir, moins figée en tout état de cause que le traditionnel face-à-face, et permettant à la fois intimité et connivence (c'est au bar de L'atelier Robuchon, où il est une place de choix dominant la cuisine où officie Yosuke Suga (* - voir notes en bas de page), que j'ai glissé à l'oreille de Poune ma demande en mariage (**)) ainsi qu'une interaction plus informelle et aisée avec d'autres convives.
Côté cuisine, des classiques lyonnais : d'excellentes charcuteries et de bons plats du terroir, revisités de façon contemporaine pour un résultat plutôt honorable - "simple et bon" comme dirait Régine, vins à l'avenant. Nous avons d'ailleurs eu, depuis lors, l'occasion d'y emmener quelques uns d'entre vous : Françoise, Jean-Philippe et Patriziana, Amélie et Marine, Jean-Charles - un avis sur le sujet ? Quoi qu'il en soit et pour ce qui est du mariage, nous hésitions tout de même un peu sur une cuisine qui aurait davantage inspiré un buffet qu'un dîner ; et puis, les deux salles privatisées du restaurant, au sous-sol, nous ont paru à la fois sombres, étriquées et froides - bref, un peu tristounettes.
Etape suivante : le Café Boulud, côté East Side, testé pour vous vendredi dernier au soir (oui, nous avons un sens très méthodique du sacrifice). Déco cossue et inspirations gastronomiques variées autour de quatre thèmes complémentaires - la Tradition, la Saison, le Potager et le Voyage. Nous optons pour la tradition : foie gras au torchon, émincés de côte de boeuf à l'aligot, crème vanillée à la rhubarbe, auquel le maître d'hôtel ajoute un fondant au chocolat et, après la dégustation de Riesling (l'autrichien, subtilement parfumé, l'emporte nettement sur l'allemand et l'alsacien - eh oui, comme dirait Lili...), un autre verre d'un fort honnête Cantenac Brown, pour se faire pardonner quelques erreurs dans le service des vins pour lesquelles, moi qui suis d'un naturel par ailleurs si bon et sympathique (j'allais dire : "des commentaires ?", mais vous êtes tellement nuls en commentaires depuis le début de cette affaire que je ne vous parle même plus), je m'étais montré intraitable (***).
Un fort honnête dîner quoi qu'il en soit - estimé à 14,5/15 sur notre échelle de notation gastronomique, qui ne s'en laisse pas facilement conter. Rien d'exceptionnel en même temps ; et puis le restaurant n'a aucune salle privatisable. A noter un menu, pour le déjeuner uniquement, à un prix fixe de 24 dollars (l'endroit se trouve au n°20, East 76th street entre Madison et la Cinquième avenue), qui semble une fort bonne affaire, avec une petite terrasse au long du restaurant, il est vrai, entouré pour deux ou trois mois encore des échaufaudages pour les travaux de réfection de la façade (à New York, les échafaudages, comme d'ailleurs les jaillissements de vapeur depuis les bouches d'aération au milieu des rues, spectaculaires surtout en hiver, font partie intégrante du paysage).
A noter aussi la présence de nos deux voisines de table américaines francophiles au cours du dîner - l'une auteure de pièces de théâtre et de films d'entreprise, l'autre professeure de littérature à Harvard, une spécialiste de Yourcenar (quelle bonne idée !) -, aussi sympathiques que critiques sur leur repas et peut-être aussi, maintenant que j'y repense, un peu jalouses de notre sélection, manifestement plus heureuse. Elles nous recommandent quoi qu'il en soit pour un autre dîner en amoureux le Blue Hill, un restaurant de Greenwich où est récemment passé Obama et qui, depuis lors, est bien sûr totalement surbooké.
Je dois avouer à ce propos, pour le dernier carré d'entre vous qui serait encore coincé fin juillet, qui en Dordogne, qui en Suisse (...), qu'Obama n'a pas encore confirmé, mais qu'il n'est pas totalement exclus qu'il passe - ce qui est d'ailleurs aussi raisonnablement improbable que factuellement possible. Vu qu'on ne sera pas très loin du 14 juillet, et de mon anniversaire par la même occasion, et que Barack me disait encore l'autre jour, en me déposant à Toronto dans un petit détour sur la route du Caire (vous avez entendu ce discours l'autre soir, les enfants ? La vache, il ne fait quand même pas semblant d'être inspiré ce type) avec Air Force One : "You know, Oliver, lou 14 jouillette, je m'en fious un peu, mais ton birthday, ce sourait siuper coool d'y être là pour, pareuille pour ton wedding with Pioune" - Cool, non ?... En même temps ce Barack, il parle tellement mal le français qu'on se disait l'autre soir avec Poune qu'on n'était pas absolument sûr de lui confirmer l'invitation.
Bon, où en étais-je, moi, au milieu de toutes ces histoires ? - Ah oui, il reste le dernier de la série : Daniel, qui a la réputation d'être le meilleur des quatre. Mais, celui-là, on le découvrira ensemble, les amis !
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(*) J'ai bien tenté par la suite de m'imposer comme le Yosuke Suga de la maison lorsque nous cuisinions ensemble avec Poune. Mais, en dehors d'une invention réussie sur des Saint-Jacques dont j'ai profité, comme le vrai Yosuke, pour imposer mes consignes sans me mêler de l'intendance, je suis vite revenu à mon boulot de marmiton de base qui fait ce qu'il peut pour gérer dix consignes en même temps et auquel - il y a un moment où il faut voir les choses en face -, toute promotion semble décidément difficile.
(**) Pour l'anecdote, tandis que nous devisions doucement entre les plats raffinés et les vins de choix, je me demandais, avec une appréhension grandissante, quel moment conviendrait le mieux pour passer à l'action. Le menu dégustation, avec une dizaine de plats, me laissait certes une certaine marge de manoeuvre. En même temps, mine de rien, le temps passait... Pendant les entrées ? Trop tôt. C'est comme pour un bon match, il faut toujours s'échauffer avant la partie - du moins, dans les clubs qui ont une chance décente de gagner le championnat, par exemple dans le Sud-Ouest de la France. Les plats ? Trop lourd - enfin, façon de parler, dan ce temple de la gastronomie. Les desserts ? Peut-être un peu tard... Allez, je me décidais pour la pause entre plats et desserts, posai finalement la bague à côté d'elle tandis qu'elle tournait la tête de l'autre côté, la laissai la (re)découvrir (depuis lors, elle en a perdu une sur les trois...), puis lui glissai ma demande à l'oreille, ce qui suscita un moment d'émotion spontané (Vous ne voulez pas les photos non plus ? Je vous trouve d'une impudeur parfois...). Pile au moment où le serveur, qui revenait avec les mets suivants, se voyait condamné à assister à la scène face à nous, les bras encombrés et, manifestement, un peu embarrassé et, il faut bien le dire, un tantinet comique en même temps, vu ses efforts pour rester impassible en essayant d'un même mouvement d'inspiration très sartrienne de regarder ailleurs pour ne pas déranger, tout en surveillant discrètement la suite des événements pour saisir le moment où il pourrait enfin poser les assiettes (mais bon, y a pas que Sartre, mon grand-père italien, pareil, on ne savait jamais s'il nous regardait nous ou le voisin d'à-côté - ce qui oblige à développer un certain savoir-faire en matière de timing pour faire la connerie au bon moment, par exemple tirer par inadvertance les cheveux de ta cousine ou heurter malencontreusement le tibia de ton frère, sans se faire attrapper). D'autant que, je reviens au dîner, comme je n'avais pas entendu la réponse d'Annie (dans le moment d'émotion en question), je finis par enchaîner, quelques instants plus tard : "Tu sais, il n'y a pas de difficultés, si tu veux y réfléchir un peu... - Mais nooon, me répondit-elle doucement, je t'ai dit ouiii"... Ouf. Ah, et oui, inutile de dire qu'elle était particulièrement belle ce soir-là. Et que nous restions en même temps fidèles à une certaine tradition entre nous de petits décalages ou malentendus, poétiques ou drôles selon les circonstances. Disons que celui-là m'a fait rire en effet, mais plutôt après coup.
(***) Limite condescendant, quand j'y repense. Comme au collège, quand le conseiller d'éducation voulait me virer tellement il s'étouffait, dès que je quittais son bureau, avec mes airs suffisants. N'importe quoi. Moi qui suis d'une bonté sympathique si naturelle... En fait, c'est un héritage de ma mère (pour la condescendance, on ne sait vraiment pas d'où sa vient). Je veux dire, ce n'est pas que mon père ne serait pas sympathique, vous n'y êtes pas du tout (quoiqu'on puisse en discuter dans certains cas extrêmes, comme par exemple une partie de billard qui tourne mal ou un jour de CAC 40 qui tourne au massacre), c'est juste que Giuliana a un léger avantage comparatif en matière de bonté. Un peu comme l'Italie a un avantage comparatif sur la Normandie en matière de climat. Certes, d'un autre côté (je vais m'en sortir, ça va tortiller un peu, mais je vais m'en sortir), si les Normands ont bien envahi la Sicile, on n'a pas vu l'armée italienne dépasser de beaucoup la frontière alpine en 1940, non plus. Mon prof d'histoire en khâgne disait même que, lorsque la France avait contré la modeste tentative italienne dans la région de Nice, on pouvait aisément suivre la retraite des soldats italiens à la trace du fait des chaussures qu'ils avaient le plus souvent abandonné dans un sol boueux dans la hâte de leur fuite - tu parles de terreurs. Oh, je ne dis pas qu'on n'a pas été un peu harcelés par l'armée italienne de réserve à la maison de temps à autre... Mais enfin, un pays meilleur à l'amour qu'à la guerre ne peut pas être fondamentalement antipathique. Et comme dirait Poune, ce qui compte dans les rapports entre les hommes et les femmes, ce n'est pas l'égalité, mais la complémentarité ! Et voilaaaà.
Commentaires
Macdo, Macdo : faut voir. Disons que si ç'en est un, ils ont légèrement rénové le concept - et la cuisine avec... Merci pour les encouragements en tout cas !
Commentaire n° 2 posté par Olivier & Annie le 11/06/2009 à 06h16
18:41 Publié dans Un mariage à New York | Tags : mariage, new york | Lien permanent | Commentaires (0)
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