20/06/2007
Une vie de chien (2) Mauvaise passe
Bref, après nous être ratés samedi, au retour de Cincinatti - une escapade qui ciblait les soldes annuelles de Design Within Reach, mais qui parvint tout de même à faire un détour par le très beau musée de la ville, sur Mount Adams -, cela faisait une belle occasion de retrouvailles avant le départ prochain de Camille.
La conversation fusait ainsi de toutes parts, comme à l'accoutumée, au sujet des différences entre la France et les Etats-Unis, le français et l'anglais, les nuances et autres tournures idiomatiques des langues, que tous pratiquent en double. Dans le feu de la conversation, et pour honorer mon "Raymond Reserve", Mark nous a même ouvert un château La Lagune 1995 - un crû que je n'avais pas eu l'occasion de boire depuis la Nouvelle-Calédonie, soyeux à souhait. Une petite merveille.
Et puis soudain, alors que nous nous acheminions tranquillement vers le moment de nous séparer - et nous, d'aller finir la soirée au Club 185 à l'angle de Livingstone et de Mohawk, je me sens un peu humide du bas de pantalon. J'y regarde de plus près, intrigué. Un verre d'eau que j'aurais renversé sans m'en rendre compte ? Une vaguelette de la piscine, juste derrière, poussée par une rafale de vent ? Une manifestation de joie mal maîtrisée ? La quarantaine qui approche à grands pas ?...
J'aperçois alors, planqué entre Mark et Amy, Joe, un autre caniche - décidément - mais qui m'était a priori plutôt sympathique celui-là, qui se met soudain à fuir mon regard, genre "j'ai fait une connerie mais bon, là où je suis, ça va pas être facile de m'attrapper cowboy".
Je dois traverser une mauvaise passe.
Je finis par émettre l'hypothèse, au milieu de cette conversation policée, que Joe venait, selon toute vraisemblance, de m'humidifier le jarret. Et de bon coeur vu que, non content d'avoir aspergé le droit, il s'est aussi offert le gauche et les pieds de la chaise par la même occasion. Cela même, notons-le en passant, à un moment où j'étais en train de le caresser distraitement en m'efforçant de trouver une explication à la sous-climatisation de notre pays - clairement, il n'y aura pas d'amélioration significative des relations transatlantiques tant qu'on n'aura pas trouvé de solution à ce problème, à côté duquel la guerre en Irak paraît tout de même une aimable broutille.
Naturellement, pour ne pas aggraver davantage la détérioration des relations franco-américaines, et face à l'embarras manifeste de Mark et Amy, je relativise alors l'incident : "Mais non, pensez donc ! ce n'est vraiment rien. Au contraire, ajoutè-je (mais c'était peut-être un peu trop, à la réflexion), je suis même tout honoré de cette marque d'affection que vient de me manifester Joe avec beaucoup de zèle".
Silence intrigué de nos hôtes qui me trouvent soit très diplomate, soit vraiment bizarre comme type. Mark, qui finit par réprimander Joe pour la forme, hésite de son côté entre deux explications. Ou bien Joe voulait marquer son territoire à l'égard d'un étranger. Ou bien il m'aimait vraiment beaucoup.
Là dessus, pour rétablir l'équilibre de cet excès de diplomatie, j'avance que, si Joe m'a en effet témoigné son amitié de cette manière originale et néanmoins chaleureuse, alors je ne voudrais pas paraître ingrat. Et de proposer de lui rendre la pareille. Nouveau silence, gêné cette fois. Sans doute chacun doit-il se représenter la scène, ou s'interroger sur des coutumes françaises encore mal connues à ce jour dans le Midwest. Las, nous passâmes à autre chose et il fut d'ailleurs bientôt temps de prendre congé de nos hôtes.
Tout ceci ressemble tout de même clairement à un complot de caniches dans le quartier à mon égard. Des représailles graduées, peut-être même bien massives, s'imposent. Certes, le sort du ramasse-miettes d'à-côté est désormais scellé : je m'en vais lui concocter une baballe en acier inoxydable à 12% de nickel avec autant d'application que met Mel Gibson dans Patriot à fondre ses balles pour l'armée de Sa Majesté.
Mais pour Joe, il va falloir à la fois ruser et faire un exemple, faute de quoi ma vie sociale va devenir un enfer ici. Je pourrais gentiment proposer, un de ces jours, de garder Joe : et si, par mégarde ou inexpérience avec les bêtes, je lui faisais faire un petit tour de machine à laver, avant de le réchauffer au micro-ondes ? Après tout, si l'urine est canine, l'erreur est humaine.
22:44 Publié dans Jours tranquilles à German Village | Tags : chiens, mel gibson, électro-ménager, nickel, grands crus, relations franco-américaines | Lien permanent | Commentaires (1)
09/04/2007
On n'a pas de chauffage, mais on a du gui
C'était en sortant l'autre samedi de chez Triadou, sur Haussman - une adresse découverte au radar faute de pouvoir se retrouver chez le petit italien de Madeleine, fermé pour les fêtes. Le cheeseburger est un plat fondamental du samedi midi pour week-ends à horaires indéfinis, et celui de Triadou tient la route (message en passant pour la cuisine : ce n'est pas la peine de planter un drapeau chinois dessus, même pour tenir ensemble les ingrédients, vu que ça perturbe, surtout avec une bière belge de Noël, et que le temps qu'on y réfléchisse, ça fait refroidir le plat ; le plus sage serait de renoncer à créer de la dissonance culturelle en tolérant un peu de jeu entre le pain et le steack).
Il pleut à grosses gouttes lorsqu'on en sort. On se réfugie sous un auvent. Passe une vendeuse de saison, du gui plein le panier. Elle s'arrête, nous en propose un bouquet sauvage. Moi (bien que plus attaché aux traditions qu'il n'y paraît), je ne comprends pas bien. C'est qui gui ? Des herbes provençales, de la colombienne, du muguet de chez Monsanto, ça se mange ?
Mais bon, on en prend quand même illico (ah ok, ça doit porter bonheur). Le prix ? " Cinq euros la botte". La vache ! C'est le London Metal Exchange ou le marché de Noël ? On dirait les cours du nickel, en plus élevé, avec deux heures de stock, la Chine qui découvre un nouveau milliard d'habitants cachés dans le Xinjiang, les Russes qui attaquent le Canada, le Brésil qui envahit l'Australie. Et la province Nord de la Nouvelle-Calédonie qui se prépare à attaquer la province Sud, le jour du Têt.
Mais que fait l'AMF ? m'interrogè-je. Non pas que je sois très regardant sur les prix - pas mesquin pour un sou, c'est vrai. M'enfin quand même. On s'en tire en demandant un plus beau bouquet, ça c'est de la négo. C'est comme pour les framboises au marché Mouffetard : c'est horriblement cher, mais on revient avec quinze barquettes, allez, quatre, dont la moitié décède de mort naturelle. Allez comprendre.
Et puis, lance Anny avec un sourire rayonnant : " On n'a pas de chauffage, mais on a du gui ! ". Ben gadon, comme disent les Bourguignons (un autre message, en passant, pour mon frère : on en reparlait le premier de l'An avec ton père, c'est vrai, il n'était pas mal du tout ce Gevrey-Chambertin l'autre jour, un peu dépouillé mais avec de la mémoire ; avec le temps pourtant, j'ai une préférence qui s'affirme pour les vins qui ont plus de concentration et de puissance, le Médoc plutôt que le Libournais, la Côte de Nuit plutôt que celle de Beaune. Egolf plutôt qu'Egloff aussi bien).
Après tout, vu qu'on n'a plus de chauffage, ça peut peut-être brûler ce truc, non ? En plus, ça fera des signaux de fumée pour le concierge et groupama immobilier - qui sont tous partis en vacances sans un mot, les lâches, pour ceux qui repasseraient entre deux escales dans les parages. Si ça se trouve, on passera pas l'année. On va nous retrouver cryogénisés comme dans Alien. Ils sont peut-être au courant d'un truc qu'on a raté entre la Pedrera et trois tapas, à se dorer sous le soleil catalan.
Et d'ailleurs, parlons-en des voisins : pour commencer une nouvelle guerre du feu, encore faudrait-il qu'ils se montrassent. Celui du dessous n'est pas là. Et celui du dessus refuse obstinément d'ouvrir. Il y a une ambiance chaleureuse et fraternelle dans cet immeuble, c'est émouvant. Et, comme si ce n'était pas suffisant, dès le 2, en dessous, ils se mettent à attaquer au marteau piqueur et à la masse. C'était donc ça. On aurait dit Utah Beach le matin du 6 juin 44. Comme personne ne leur a dit qu'on était dans le camp des Alliés, ma moitié est allée s'en charger comme un missile Tomahawk. Même pas eu le temps d'esquisser un semblant de mouvement de début de mission commandée (quelqu'un a revu le Soldat Ryan au fait ?). N'empêche qu'une minute plus tard on aurait dit qu'ils creusaient à l'aiguille à coudre, les gars du dessous.
Bonne année, tu parles.
On s'en fout, le gui, ça porte bonheur.
23:37 Publié dans La vie quotidienne au temps de Jacques Chirac | Tags : Triadou, nickel, LME, Groupama, La Pedrera, Côte de nuit, Eglof | Lien permanent | Commentaires (0)