10/04/2007
Fin de partie (3) Des outils ou des hommes ?
Appréciation des résultats pour l'année écoulée : je voudrais faire sur ce point une remarque d'ordre général, en forme de paradoxe.
Bien sûr, vous l'avez rappelé tout à l'heure, nous avons, ces dernières années, franchi une étape en matière de communication dans le groupe. Je pense à la mise sur pied de notre intranet, aux nombreux supports que nous avons créés ou renouvelés en nous efforçant de coller le plus possible aux attentes des uns et des autres, à notre campagne d'image institutionnelle avec l'aide de Devarieux & Villaret.
Je pense aussi au nouveau site internet que Philippe et Patricia ont lancé de leur côté, à la promotion d'une meilleure connaissance du groupe en externe et d'une information interne adaptée aux besoins des sites auxquelles, tirant le meilleur parti de la complémentarité de nos compétences, nous nous sommes attelés.
Je pense enfin aux dispositifs de communication directe que nous avons mis en place entre les membres du Comex et les collaborateurs de l'entreprise, aussi bien au siège que sur les sites, pour dialoguer avec les équipes autour de la stratégie du groupe - dispositifs qui constituent à mes yeux le socle fondamental de notre politique de communication interne.
Il en va ainsi de la communication comme de la guerre avec les militaires : elle n'est jamais aussi efficace que lorsque les experts n'y sont pour (presque) rien.
Tous ces chantiers ont naturellement été portés par la dynamique excitante du projet Leaders... et ce n'est pas fini. Un travail considérable a été accompli. Mais le plus difficile est sans doute devant nous : faire en sorte que cette démarche devienne un repère commun et un guide concret pour chacun au sein du groupe.
La prochaine fois, c'est promis, j'y réfléchirai tout de même à deux fois avant d'exprimer une idée : ça fera des vacances à tout le monde. J'en profite pour assurer mes camarades de la fonction RH qu'il n'y avait rien de personnel dans cette affaire (...).
Revenons à la communication.
Bien sûr, l'équipe a devant elle nombre de nouveaux chantiers, qui recèlent d'intéressantes potentialités pour le groupe : la nécessaire montée en puissance de la communication externe ; la simplification et l'optimisation de notre communication interne qui doit à la fois se construire autour de l'évolution de l'intranet et des besoins, plus larges, de l'ensemble de la communauté Eramet ; l'expérimentation aussi de nouveaux outils qui participent de ce qu'il est désormais convenu d'appeler la "communication conversationnelle", et dont je suis convaincu, à la suite du fameux (et déjà vieux) "Cluetrain Manifesto", qu'elle est déjà en train de révolutionner en profondeur notre façon de communiquer.
L'on pourrait comme cela développer les outils à l'infini. Au fond, ce n'est pas très difficile : il y suffit de quelques compétences, d'un peu de technique et d'un minimum de flair.
Mais, si l'on n'y prend garde, le système peut aisément s'alimenter de lui-même et faire perdre de vue l'essentiel : le sens d'ensemble et la portée pratique de notre communication. Un peu comme ces boucles médiatiques irrationnelles que l'on voit parfois surgir dans les medias - nous en avons fait l'expérience sur différents sujets de crise-, et qui finissent par se nourrir, moins des attentes du public ou de l'exigence des faits, que de leur propre logique interne.
Tel est le paradoxe, sorti tout droit de chez Habermas : nous produisons des outils pour répondre à des besoins - et je note que ce productivisme est tout autant encouragé par la focalisation de l'ingénieur sur les outils que par le besoin des communicants d'apporter la justification de leur rôle dans l'organisation.
Mais, en se centrant sur sa propre puissance au détriment des besoins ou, si l'on veut, en privilégiant l'offre sur la demande de communication, cette logique de production conduit peu à peu à une forme, insidieuse, de déconnexion du réel.
Cela signifie, en particulier dans un groupe le nôtre, qui reste à taille humaine et dans lequel, comme le soulignait justement Alain Robert, du fait du métier lui-même, on ne peut longtemps s'écarter des exigences les plus élémentaires du bon sens, le capital essentiel de la fonction communication, ce ne sont pas les outils, mais les relations humaines.
Et cela, avec deux impératifs simples en tête : être à l'écoute en interne, de ce qui se dit mais aussi de ce qui ne se dit pas; et être à l'affût en externe des informations utiles et des meilleures pratiques.
C'est à partir de ces deux exigences simples que peut se construire la communication la plus juste possible, celle qui à la fois s'inscrive dans la culture du groupe, et en même temps, le pousse, l'accompagne dans le déplacement de ses frontières, en veillant à n'être ni trop décalé de l'air du temps, ni trop en avance sur la musique.
Je crois aussi qu'il faut incarner cette fonction, la faire vivre avec les autres, la porter - ce qui ne va pas pas sans conviction. Et même, sans un fort engagement personnel.
07:12 Publié dans L'adieu aux armes | Tags : Eramet, Devarieux & Villaret, Cluetrain Manifesto, Habermas, Alain Robert | Lien permanent | Commentaires (0)
Fin de partie (1) L'aventure, c'est l'aventure
Discours de départ - vendredi 26 janvier 2007.
"Nous avons manqué un peu de temps ces dernières semaines, Monsieur le Président, mais je voudrais tout de même partir dans les règles. Je vous propose de profiter de l'occasion de ce pot de départ pour faire mon entretien annuel d'appréciation in extremis devant vous - un entretien élargi, pour la circonstance aux années qui ont précédé, et mené d'une façon un peu plus libre que ne se conduit d'ordinaire l'exercice.
Pour ce faire, je vais passer en revue les principales rubriques de la trame d'entretien concoctée, avec talent cela va sans dire, par la DRH Groupe. Je me suis permis chemin faisant, pour gagner du temps dans cette période chargée, de compléter les rubriques "commentaires du n+1". Comme il est aussi prévu ici ou là des commentaires pour le n+2, j'ai pensé que Dominique, notre DRH Groupe, assumerait vaillamment cette lourde charge.
Ancienneté dans le Groupe : Cela fait bientôt dix ans que je viens de passer au sein d'Eramet. Un double quinquennat, en quelque sorte. Je me serais bien présenté pour un troisième mandat, mais Bernadette m'en a empêché en me suggérant d'aller plutôt me cacher dans l'Ohio.
Enfin, Bernadette, c'est une image.
Intitulé du poste : Je ne vois rien d'autre comme intitulé qu'une formule brut de décoffrage du genre : "Faut savoir tout faire". Je puis en tout cas certifier que le job de directeur de la communication à la mode Eramet n'est absolument pas identifié dans le répertoire officiel des métiers, version ANPE. Cela fait tout de même deux rendez-vous que nous sommes sur le sujet avec mes nouveaux amis ; et ce ne sera pas de trop d'un troisième entretien technique pour dénicher le bon identifiant. A ce stade, j'ai quand même peu d'espoir.
Date de prise de fonction : Je suis rentré dans le groupe le 1er novembre 1997. Mais j'ai un doute affreux tout à coup : entre le premier contact et mon embauche effective, il s'est écoulé quasiment huit mois, le temps d'une petite dizaine d'entretiens.
Quelqu'un aurait-il hésité quelque part ?
Inversement, les voies de la mobilité seraient-elles impénétrables ? Entre la décision de mobilité et mon retour effectif de Nouvelle-Calédonie, il s'est en effet écoulé un an. Je vous confirme que, sur un plan plus personnel, cela peut créer quelques désordres injustes.
Principales missions du salarié : Il faut clairement distinguer, là-dessus, entre les missions officielles - à la mode Eramet, cela va sans dire -, et des aspects moins connus du job (dont on s'est d'ailleurs bien gardé de faire état dans ma fiche de poste).
Côté officiel, le boulot s'apparente souvent dans la maison à une fonction d'avocat. Les mauvaises langues usent plus volontiers de l'appellation "baratineur". Consécration suprême, il m'est même arrivé de me retrouver intronisé "chef de la propagande".
Un vrai bonheur.
Une deuxième fonction répertoriée au titre des missions officielles et qui vient juste après, est celle de prêtre. Il y a en effet clairement des sujets dans le Groupe pour lesquels, sans la foi, point de salut - et c'est moins son âme que sa peau qu'il s'agit ici de sauver.
Rédacteur reste aussi un des métiers de base de la fonction. J'ai calculé que j'ai dû rédiger un millier de notes environ depuis mon entrée dans le Groupe. Combien ont fini en cocottes ou, chez Aubert & Duval, en avion de papier ? Je confesse n'avoir pas eu le courage de mener une enquête sérieuse sur le sujet.
Enfin, metteur en scène, avec les développements récents de la video dans le groupe, est aussi à compter parmi les nouveaux coeurs de métier de la fonction. Cela nous ouvre de nouvelles perspectives.
Les choses dégénèrent un peu du côté de la face obscure de la force - de travail s'entend, je pèse mes mots.
Un aspect peu connu de la fonction, mais qui fut tout de même un de mes premiers jobs en Nouvelle-Calédonie, est celui de peintre. Je n'évoque pas ici je-ne-sais quelle dimension artistique de la fonction, non, mais bien un job de peintre en bâtiment, l'un des premiers au reste qu'il m'ait été donné de pratiquer à la SLN. Ce n'est pas que je sois, au départ, très doué pour le bricolage (il n'y avait pas l'option à Sciences-Po) ; mais, la veille d'un voyage de presse, nous nous sommes avisés avec Bernard Catteau, le DRH de l'époque, que le mur des ateliers municipaux qui faisait face à l'usine de Doniambo, couvert d'inscriptions plus ou moins chaleureuses à l'égard de l'entreprise, gagnerait à être relooké. Première approche de la division du travail entre la communication et les relations humaines : c'est Bernard Catteau qui tint la lampe, et moi qui repeignis le mur. Depuis lors, avec des dernières missions dédiées à la communication sur la stratégie auprès du Président, je confirme que l'on peut chez nous gravir les échelons ; mais on ne se paye pas de mots chez Eramet, et c'est bien au sens premier des barreaux de l'échelle qu'il faut comprendre le démarrage de l'ascension.
Un deuxième aspect officieux de la fonction est celui de traîteur. J'ai dû organiser en dix ans une centaine de petits déjeuners, représentant environ 5000 viennoiseries.
Cinq fois plus que de notes.
A la SLN, le signe "COM" était d'ailleurs vite devenu, dans ces conditions, l'acronyme de "Conversation en Mangeant" : il fallait bien se nourrir aussi le midi, et le soir dans la foulée. Faute de m'être avisé à temps de développer les relations avec les écoles, je ne vois guère que le goûter - personne n'est parfait - qui fut épargné dans cette politique de relations publiques tous azimuts, connue sous le nom de "stratégie de contournement de la cantine". Après tout, il est généralement admis qu'un jeune embauché n'occupe pas 100 % du poste d'entrée de jeu.
On veillera à ne pas oublier la fonction de commando, susceptible de se transformer en opération kamikaze quand la mission dérape. J'ai relevé de même celle d'agent secret - mettons, compte tenu des fonctions énumérées précèdemment, tout de même plus agent que secret.
Voilà pour ce rapide inventaire d'un métier dont les compétences de base me semblent encore trop méconnues, et pour lequel, dans ces conditions, un bac + 10 me semble clairement devoir être envisagé pour l'avenir. Sachons placer haut la barre, de l'échelle.
Moyens à disposition : Compte tenu de ce qui précède, j'ai distingué pour l'essentiel entre les moyens en périodes paisibles: pinceau et plateau ; et ceux pour temps plus agités: abri refuge et solide assurance vie, soit contre les jets de papayes mûres entre Bouloupari et Thio, soit encore contre les risques de flingage à la mode texane.
Il y a tout de même des moments, dans ce métier, où il faut savoir se faire oublier.
07:09 Publié dans L'adieu aux armes | Tags : Eramet, SLN, Aubert & Duval | Lien permanent | Commentaires (0)