10/04/2007
Zénitude (le problème avec la quarantaine)
Tout allait bien, jusqu'à ce que je tombe sur ce papier de L'expansion l'autre jour intitulé "Négocier les virages de chaque âge", chapitre "redonnez-vous de l'élan" la quarantaine venue. "40 ans, c'est l'âge où la maturité fait craindre la calcification, résume avec humour Yves Desjacques". Voilà qu'ils se croient drôles maintenant à L'expansion.
Si la calcification désigne "l'infiltration par des sels de calcium de tissus ou organes qui n'en contiennent pas normalement" (Petit Robert), pourquoi ça ne toucherait pas le cerveau ? Je veux dire, le calcium, il va bien finir par trouver où il se cache, un jour, le cerveau ? Je préfère le prévenir tout de suite : vu ma tendance à fonctionner avec un seul hémisphère, ce n'est pas gagné. Par exemple, à Questions pour un champion, je n'ai jamais pu dépasser deux bonnes réponses d'affilée ; et encore, il fallait que ça porte sur des questions d'histoire très connues, comme le cheval blanc de Rocky IV.
Il est peut-être trop tard, finalement.
Poursuivons, malgré tout, la lecture de ce passionnant article. "La mise en orbite de sa carrière étant en principe derrière lui (aïe, mais je ne suis sur l'orbite de rien du tout, moi, les gars, je vois bien de temps en temps d'autres planètes sur Encyclopedia, mais ça s'arrête là), le quadragénaire doit solidifier sa trajectoire" (couper des arbres dans l'Ohio, ça le fait comme solidification ?). "Tout en n'évitant pas les questions dérangeantes" (on n'a pas déjà fait le tour, là ?) : vais-je faire le même métier toute ma vie ? (bûcheron pendant trente ans, ça va pas non ?) Ne devrais-je pas tenter une mobilité internationale ?
A la bonne heure, enfin une idée brillante.
"Il s'agit, poursuit le journal, de la transition professionnelle la plus délicate pour le cadre (délicate ? mais je me sentais d'une zénitude mêlée d'audacitude à toute épreuve avant de lire cet article, moi). Celui-ci éprouve souvent le sentiment d'être positionné sur des rails le menant tout droit jusqu'à sa retraite (ils ont un partenariat avec La vie du rail à L'expansion ou quoi?). D'où une certaine angoisse existentielle qui peut le saisir au moment de faire le bilan de la fameuse mi-vie, confirme le coach Thierry Chavel".
Mais il me connaît d'où, lui, Thierry Chavel ?
Ça porte un nouveau nom d'ailleurs ce syndrôme : la "middlescence aiguë", contraction de middle age et adolescence (Morison, Erickson & Dychtwald, in Harvard Business Review, mars 2006). C'est comme enfant gaté, mais sans le gâteau. Et ce ne serait pas une chimère : près des deux tiers des 7700 salariés de 35 à 55 ans interrogés par les auteurs ne se sentiraient plus "énergisés" par leur travail, et un sur trois aurait le sentiment d'être dans une impasse. En somme, il faut choisir : devenir un leader, se droguer. Ou aller en finale de Questions pour un champion.
Heureusement, il y a mon ami Byron, un canadien rencontré il y a vingt ans dans un cercle universitaire international - et que l'on pourrait bien retrouver Premier ministre du Canada d'ici quelques années - qui m'a remonté le moral, dans son dernier mail. D'abord, en plaçant d'emblée cette expatriation à son vrai niveau: "Ton séjour américain sera excellent pour les rapports franco-américains, globalement". Traduisez: le prochain discours à l'ONU, c'est pour toi (surtout peut-être dans le cas où je serais en finale avec Besancenot). Il est comme ça Byron, il m'a toujours vu exercer de hautes responsabilités politiques. Il faut dire qu'à vingt ans, on s'était faits élire comme délégués de ces forums étudiants par une sorte d'assemblée générale internationale et, depuis, ça nous est un peu monté à la tête.
Il poursuit : "Columbus, ça va, il a une masse critical de commerces, et il est un vrai ville américaine, donc il sera un bon expérience cultural". Ouf. "Il y a un enorme université, donc beaucoup de jolies jeunes filles". Ah oui mais là, non Byron. Quelle folie, quand j'y repense, ce concept de grands raouts étudiants internationaux, je ne dis pas du point de vue de la coopération entres les peuples - sous cet angle, ça créait des liens indéniables-, mais de celui du progrès de la recherche fondamentale.
D'ailleurs, il corrige tout de suite - il est très bien ce garçon : "C'est formidable que tu peux être flexible avec ta carrière pour suivre ton femme" (il prononce toujours "feum" ; et, c'est plus fort que lui, il le met toujours au masculin, c'est quand même un drôle de pays le Canada). Ah ça, c'est rien de le dire. Flexible, c'est la traduction pour kamikaze en yankee ? Parce qu'en fait de le négocier, je le passerais plutôt tout droit comme une brute, moi, le virage de la quarantaine.
07:05 Publié dans De l'employabilité en période de tempête | Tags : l'expansion, management, quarantaine, angoisse existentielle, byron | Lien permanent | Commentaires (0)