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10/04/2007

Rambaud m'a tuer (4) L'amour en Vénétie au temps des Brigades rouges

Alors, pourquoi tant de haine ?

Car enfin, ma mère est la bonté incarnée, mon père un sage (je note tout de même que si nous partageons avec Saint-Louis la particularité d'habiter un lieu où l'on rendait la justice, il s'est abstenu, lui, de zigouiller le chêne dans le jardin, ok, c'était un saule pleureur, et rachitique en plus, mais on lui a mis de ces lucarnes les enfants, au saule, à faire pleurer Di Biagio un soir de quart de finale au Stade de France), mon frère (passons, pour cette fois, sur les diverses tortures moyennâgeuses dont je fus la victime) un chic type.

Comme le furent aussi mon oncle Jean ou mon grand-père Raffaële. Sauf, pour Raffaële, un jour où l'on jouait au ballon et où mon père, en voulant marquer un but à Duilio, à moins que ce ne soit le contraire, lui a mis une reprise de volée totalement incontrôlée pile sur la tasse de café qu'il s'apprêtait à boire devant la maison, et cela, notons-le au passage, en laissant la soucoupe intacte et sans effleurer la main. Du travail d'orfève, limite de la sorcellerie, qu'il a dû se dire, Raffaële, en regardant d'un coup le vide entre la tasse et la soucoupe, avant de mettre un nom sur le sorcier.

Et alors là, il s'est mis à déblatérer une série de trucs en udinese en laissant là son siège et sa soucoupe, on s'est dit alors, dans cette sorte de sondage instantané - intéressant en ce qu'il permit au politologue en herbe que j'étais alors, de saisir par surprise les préférences brutes de l'électeur alors qu'il avait peut-être juste envie de boire un expresso tranquille au soleil, l'électeur, il ne se doutait pas -, on s'est donc dit à cet instant précis qu'il aurait penché davantage pour Mussolini que pour Gérard Schilardi (de là, ce devait être au tout début des années soixante-dix, l'attention portée par la suite par les politiques au calendrier électoral, et qui expliquera plus tard la conquête du pouvoir par le Parti socialiste grâce à des dates bien choisies, comme 1971 ou 1981 par exemple).

Si, du moins, il avait eu le courage de se présenter contre le Duce, Schilardi : ça n'aurait peut-être pas évité la campagne d'Abyssinie, mais ça aurait au moins permis de faire diversion pendant la finale, au sein de cette équipe, fière certes, mais pas dominatrice pour un sou. A supposer que Schilardi ait eu la bonne idée de faire un discours de repentance à la 80e minute à l'Olympia Stadion, histoire de marquer aussi sa responsabilité, indéniable, dans la formation de l'Axe. Mais bon, je reconnais aussi que ça commence à faire beaucoup de conjectures, même pour un lépidoptérophile amateur d'effet domino, et tout ça pour un malheureux expresso.

Mes grand-mères, Luigia et Jeanne, ont été toutes deux femmes énergiques mais généreuses - l'Abbé Pierre à côté, on aurait dit Guy Roux. Avec tout de même, j'ai remarqué, un petit ralentissement énergétique après 85 ans. C'est bête, à ce moment-là, j'étais seulement au courant pour la Vittel, à cause des réclames dans le métropolitain, et pas pour le Wonka Razzapple Magic Dip, sinon, hop ! un petit sachet dans le café, un autre dans l'infusion, on leur aurait mis une ces tôles sur le Tour de France à Armstrong et Landis. Peut-être même, que par une sorte de ricochet anthropo-psycholologique, on leur aurait aussi vraiment mis un doute dans la foulée aux Américains, avant que Bush se décide pour de bon à aller casser la gueule à Assurnazirpal.

Mon oncle Duilio était un as (c'est malin aussi d'avoir vécu comme une étoile filante, alors qu'on avait encore quelques belles années devant nous pour continuer à faire des sondages avec Raffaële), sa femme une fée qui a enchanté mon enfance (comme je refusais de manger, elle me racontait des histoires abracadabrantes qui me faisaient ouvrir tout grand la bouche), ma cousine une délicieuse petite grenouille trop gentille avec les infâmes postosuchus que nous avons été, d'autres oncles bienveillants, quelques amis chers, toute ma famille italienne : Clara, Illa, Ilde, Luigi, Mario, Gianni, Anna-Maria, Michele, Alfeo, Angelina et les autres, une tribu chaleureuse...

Sortez les mouchoirs ?

Ah, j'ai bien eu une lointaine grand-tante avare et persifleuse et j'ai aussi croisé quelques taches et vermines diverses, ici ou là, comme tout le monde mais, dans un tel paysage, l'anomalie passa inaperçue et releva, pour tout dire, davantage du terrain d'observation que de l'influence néfaste.

De là peut-être la conviction, angélique mais qui n'est pas sans efficacité, qu'à la fin, ce sont les Justes qui l'emportent. Ou, pour dire les choses autrement, que l'ordre du pouvoir, et celui de l'argent aussi bien, sont ontologiquement inférieurs à celui de l'amour. Ce qui, dans un monde parfait, devrait en effet inciter à la commisération plutôt qu'au combat et qui me conduit, moi - tu parles d'une période christique - aux représailles massives, à tout le moins dans les cas d'agressions caractérisées. Plutôt, en somme, l'uppercut du droit que la joue gauche.

Alors quoi ? Diagnostiquer de cet effet de tribu latine un sens tout sicilien de la vendetta me paraîtrait quand même un peu tiré par le scalp. Ces identités affectives fortes n'en commandent pas moins, non seulement d'aimer, mais aussi de défendre ceux que nous aimons, et voilà tout - on ne va pas y passer tout le mois d'avril non plus.

Bon, nous revoilà paumés dans ce fatras de souvenirs mal rangés. Où en étions-nous déjà ? Ah oui...

Ambiance feutrée chez Russel, très british. C'est aussi le style de mon premier interlocuteur. Suit une aimable conversation de salon. Quand on y pense, ces jeux de rôles sont d'une déconcertante facilité.

Ça me rappelle un jour, je revenais, un peu éméché, d'un mariage franco-brésilien, si si, un vrai, enfin, un faux, mais un vrai, entre un homme et une femme, un mariage blanc en fait - enfin, moi, on m'avait juste dit que ce serait une fête très sympathique. Et, en effet, elle était très sympathique, cette petite fête. On était venu à quelques uns et on a eu du mal à repartir. On commençait à s'attacher. Je rentre donc tard, enfin tôt, vers 8 ou 9h00 du matin, ou quelque chose de ce genre. Je m'apprête à aller me coucher.

Soudain, le téléphone sonne.