Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

10/04/2007

Rambaud m'a tuer (5) La Guerre de Troie n'a pas eu lieu

C'est une journaliste, charmante, qui souhaite parler au professeur Sorbier, je crois - un psychanalyste précise-t-elle. Elle souhaite l'interviewer sur le thème "les femmes et leur nombril" pour un prochain dossier du magazine Vingt ans - une référence obligée pour qui s'intéresse aux grandes doctrines géopolitiques contemporaines. Je lui explique que je ne suis pas le professeur en question.

J'en profite aussi, maintenant que le contenu dudit magazine me revient en mémoire, à émettre un doute incident sur ce que pourrait devenir la politique culturelle de la France si une femme venait à être élue présidente. Ce serait peut-être pire, remarquez, avec un inculte qui, si ça se trouve, ne connaît peut-être même pas l'existence de Vingt ans - ô, choix moliéresque. Bayrou, lui, semble bien avoir des lettres. Il a même tout appris par coeur en huitième pour pouvoir attrapper un dix-sept en récitation et finir premier de la classe, à Espelette.

Je sais, j'ai fait pareil en sixième au collège Albert Camus, en rédaction, et après c'est pas facile, tu te sens investi d'une sorte de mission, tu commences à écrire à Dieu, d'abord poliment puis sur un ton de plus en plus comminatoire, ou tu vises le boulot de conseiller général, mais tu ne peux pas en parler tout de suite, sinon ça affole tout le monde, surtout avant la publication des résultats semestriels, tu es obligé de faire des tas de communiqués au niveau du canton au lieu de faire tes devoirs et tu finis par faire un recit warning pour avertir que tu ne vas pas pouvoir maintenir le même niveau en récitation tout le temps, les institutionnels du collège perdent confiance et, après ça, t'es obligé de t'exiler, comme Spinoza ou Jean-Marie Messier par exemple.

Bon. Mais supposons que ça le reprenne, Bayrou, ce problème durito-réthorique, le jour où ça va vraiment chauffer avec les Perses. La guerre, ça va tellement vite de nos jours à la télé qu'au premier bégaiement, on aura tous zappé avant qu'il ne termine de déclamer son communiqué martial en alexandrins avec césure à l'hémicycle histoire de se faire plus applaudir que Victor Hugo à l'ONU, et après - mettons que ce soit une belle soirée d'été -, on va tous manger une glace à Mabillon, ou à Mouffetard, bon allez d'accord, à Mabilllon, sans se douter qu'on aura à peine le temps de demander un supplément d'éclats de gaufrettes avec le Macadamia Fig Crunch que, déjà, le ciel nous sera tombé sur la tête, par Toutatis.

Parce que les Perses, eux, au lieu de faire un communiqué martial à la télé - elle est tellement nulle, la télé iranienne, c'est pas comme la télé polonaise, que les dirigeants savent bien que c'est pas la peine de s'époumonner à faire des déclarations fracassantes dedans vu que personne n'écoute - d'où le dynamisme du marché de l'emploi pour les fonctions de muezzin, muezzin adjoint, ou même muwebzzinmaster pour les paroissses les plus avancées -, et badaboum ! ils nous balancent leurs missiles Shahab-3, peut-être même 4 ou 5 pour peu qu'elle les ait vraiment énervés, la poésie française, un truc au propergol liquide à guidage inertiel, et là, je vous le dis, le projet pédagogique du SNUipp-FSU, on va l'emporter avec nous pour l'éternité, les amis, et le souvenir des glaces avec, il ne sera plus temps de regretter de ne pas y avoir pensé plus tôt dans l'après-midi, à la glace, c'est comme ça, les derniers instants ont toujours un goût amer et sublimé.

C'est comme un jour, en servant une tisane à mon père, ma mère lui renverse l'eau bouillante dessus et alors là, tout ce qu'il trouve à dire mon frère, c'est : "Ma tisane, ma tisane !" en pleurnichant. Je ne comprends toujours pas qu'après ça, mes parents, ils aient encore bien voulu de lui dans la famille. Peut-être par précaution, histoire de ne pas mettre tous leurs oeufs dans le même panier, des fois que le deuxième rejeton eût un pète au compteur. Rétrospectivement, on ne peut pas leur donner tort - même si, avec le coup de la porte de la cave, mon frère a quand même bien aidé à me le dérégler, le compteur - ce qui, si l'on raisonne méthodiquement, sans se laisser emporter par les passions destructrices comme c'est trop souvent le cas dans le monde quand l'aîné fracasse une raquette de tennis sur le crâne du cadet ou l'oblige à manger de sa soupe aux potirons, semble bien donner davantage raison à Baudrillard qu'à Rica Zaraï.

Non, ce qui pourrait nous sauver, dans cette affaire, c'est que, comme le Shahab-3 a une portée maximale de 5000 inches, il faudrait d'abord acheminer la cargaison en Logan jusqu'à, mettons, Hanovre ou Munich, ça nous laissera un peu de temps pour calmer les Anglais, se faire un Thema sur la télé polonaise, relancer l'axe franco-allemand et intercepter l'ennemi in extremis grâce à l'Eurocorps. Et après ça, on pourra redonner un peu de gniaque à la construction européenne. J'insiste - après, pas avant les gars -, sinon on va plomber cette affaire pour encore cinquante ans, et un demi-siècle à ne pas pouvoir prêter Jean-Louis Debré comme joueur au Panathinaïkos ou au Deportivo la Corogne et à le garder rien que pour nous, ça va vraiment finir par énerver tout le monde.

De toutes façons, je m'en fous, je serai le seul à avoir anticipé le second tour entre Nihous et Schilardi et ça restera forcément pour la postérité, un pronostic si lumineux. D'ailleurs, suis-je bête, je m'en fous d'autant plus en fait, que je suis protégé par le bouclier anti-missiles américain maintenant (faudra seulement, au cas où, que je vérifie où ils en sont dans le programme au juste, parce que des prises de position pareilles, sur le moment, tu fais pas attention, et puis paf, ça peut se retourner contre toi par contumace, et après, tu es acculé à faire une déclaration fracassante, le 18 juin par exemple et justement ce jour-là à cause du problème des marronniers dans l'Histoire, obligé de trouver l'inspiration le matin même pour passer à la radio le soir, à supposer qu'ils ne programment pas l'émission le matin parce que sinon, t'es mal, remarque après tu deviens vraiment célèbre, mais plus moyen d'un autre côté de faire une petite blagounette de temps à autres avec tes amis car, brusquement, tu incarnes la France), et bon, sous réserve de vérification, ça me fera autant d'effet du coup cette pétarade qu'à mes chers compatriotes un déraillage de train ourdou ou un écrasement d'avion hindi.

Bref, tout en pressentant cette catastrophe annoncée à cause des nombreuses qualités que mettront en évidence aussi bien mon test graphologique que mon profil typologique de Myers-Briggs qui a pour but de vous aider à mieux vous connaître et vous développer, je n'en souffle pas un mot à ma nouvelle amie journaliste. Au lieu de quoi, allez savoir pourquoi, j'ajoute que, certes, je ne suis pas le professeur Machin, mais que je suis moi-même psychanalyste - "et, vous n'allez pas me croire, précisè-je, facétieux, il se trouve que j'axe actuellement mes recherches sur les relations qu'entretiennent les femmes avec leur nombril" - il y a des jours, je me trouve vraiment consternant. Naturellement, je m'attends à ce qu'elle me raccroche brutalement au nez.

-"Non, ce n'est pas possible ? me fait-elle, mais c'est in-croi-ia-ble !".

Ah ben ça, tu m'étonnes que c'est incroyable.

Mais bon, pour la suite, on verra plus tard parce que ça m'a épuisé, moi, de nous avoir épargné le choc des civilisations, la guerre avec, et d'avoir en même temps relancé la construction européenne. Je ne dis pas que, sous l'angle du choc de la connerie, l'humanité en soit sortie grandie, ou simplement indemme, mais enfin, de nouveau, la main tremblante et le front soulagé, elle peut écrire une nouvelle page de son histoire, l'humanité.

D'ailleurs, si elle pouvait terminer celle-ci par la même occasion, je sens bien que ça détendrait tout le monde.