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07/03/2008

L'art délicat du rond-de-jambe en dehors sous climat continental (1) Le problème avec le fuel

L'autre jour, en fin d'après-midi, je remarque une agitation inhabituelle devant la maison. Quoi, un attroupement ?

Qui a déclaré la guerre à qui ?
Quel Etat a été ravagé par la dernière tornade ?

Non... le président de la République française aurait encore fait des siennes ? - On peine à le croire. Car enfin, trop, c'est trop. Soit dit en passant, je ne comprends toujours pas pourquoi on ne pourrait pas commencer une phrase avec "car" ; enfin, je comprends, mais je n'accepte pas du tout cette règle : il me semble, mais c'est sans doute très personnel, que le "car" fait une attaque de phrase percutante, vous ne trouvez pas ? Quoi ! Tu ne trouves pas ?! Vas-y, vas-y, dis-le ! Carsse-toi, gros con, va.

Bon. Ça va mieux.
C'est vrai qu'à haut niveau, l'écriture sublime les pulsions, comme la politique les passions. Ou, aussi bien, la pêche les poissons, compte tenu du prix du fuel.

Du bas de l'escalier où je finis de m'équiper sobrement (toujours pas de pantalon de survêtement) pour un footing hivernal (ce qui est tout de même moins glacial à écrire qu'à faire), je vois que l'attroupement dépasse bientôt une personne.

Du jamais vu.

J'en vois deux puis, me penchant un peu en avant sur les marches, trois. Auxquelles s'ajoutent bientôt trois autres, des caniches miniatures, délicieusement vêtus de petits paletots bariolés, et qui semblent, eux aussi, très concernés par l'affaire. Puissent-ils juste éviter de se soulager sur le terre-plein devant la maison que nous avons laborieusement reverdi et je me montrerais d'une neutralité royalement bienveillante .

Pas comme l'autre fois quand, alors que je me garais, j'ai vigoureusement interpelé une passante que je venais de voir faire faire ses besoins à son fauve sur mon terre-plein. Mauvaise lecture du geste (il faudrait ici développer l'idée que nous avons dans la vie, et je ne parle pas ici seulement de la vie sexuelle, besoin de beaux gestes, de gestes élégants, harmonieux, justes, une sorte de poésie du droit au but comme le teckel repris de volée dans cette admirable publicité scandinave) : il y a, semble-t-il, sur le plan de la pratique défécatoire, des usages fort différents d'une race l'autre et je m'y suis bêtement trompé. La voilà offusquée, et moi misérable.

Mauvais pour mon image locale ?
- M'en fous.

J'ai en tête bien d'autres considérations en ce moment. Et puis ce qui m'intéresse, moi, c'est le monde, ce n'est pas du tout les municipales. Par exemple, je suis avec un vif intérêt la campagne présidentielle américaine, mais j'avoue ne pas m'être penché deux secondes sur la réélection de Truc Coleman, le maire de Columbus l'automne dernier (il a une tête d'escroc et en plus il a l'air tout à fait nul, ce type). Et, pour ce qui est de la France, qui fait tout de même partie du monde, je ne fais exception que pour quelques grandes villes, et encore, essentiellement par amitié pour Alain Juppé, que je connais bien depuis 1995 surtout, et que j'ai appris à apprécier depuis que je sais que, lui aussi, il a essayé de faire croire que l'on pouvait faire des choses sérieuses au Canada - ah, ah ! Alain, si tu me voies en ce moment sur macabanaucanada.com, sois indulgent pour la photo avec l'ours... Salut à toi mon grand !

Oh putain. Je sens que ça me reprend.

Il faut dire aussi que trois attentats à la crotte de chien sur ledit terre-plein ces derniers jours m'avaient mis les nerfs à vif.

On le serait à moins.

Me voilà donc équipé pour cette nouvelle folle course sous la neige. Quel kamikaze je fais tout de même. L'autre jour, c'était sous une pluie dense et froide ; obligé de jeter l'éponge finalement au cinquième kilomètre, devant des automobilistes mi-intrigués, mi-rigolards qui traînaient un peu aux stops des angles du parc pour s'assurer que c'était bien un être humain qui courait sous ce déluge. Et pas un Mexicain, un Irakien - ou un Britannique par exemple.

Mais là, le courage impose d'abord de fendre la foule avant d'affronter les éléments. Se lancer dans l'inconnu. Aller à la rencontre de ce groupe aussi massif qu'hostile.

Les salauds. Si ça se trouve, ils veulent me passer à tabac, comme dans la rue d'à-côté, souviens-toi, l'été dernier.

Je sors quand même.

31/05/2007

Bienvenue au zoo (les heures supplémentaires ne font pas le bonheur, même défiscalisées)

A German Village, qu'on se le dise, l'animal est roi. Et d'abord le chien, naturellement. Il y en a ici de tous les formats, de tous les âges et de toutes les couleurs - Bullmastiffs, Chow Chows, Epagneuls tibétains, Welsh Corgi Pembrokes, Rhodesian Ridgebacks, et j'en passe - tous chouchoutés d'un même élan new age. Des petites personnes bien comme il faut - pas un pet de travers - et traîtées comme il se doit, entre dog-sitters, toiletteurs, traiteurs et psychologues dédiés.

Un domaine - la psychologie canine - dans lequel j'estime toujours avoir mes chances bien que mon savoir, en la matière, soit essentiellement intuitif. Qu'importe : le vrai génie canin se contrefiche de l'académisme, il invente de nouvelles théories, propose une vision, ouvre des perspectives, bâtit un projet. Et fait adhérer la communauté canine à son programme pour lequel, naturellement, une majorité s'avère nécessaire, vu que sinon on pourra pas tout faire ce qu'on a dit pour créer de nouvelles niches défiscalisées et continuer à mener cette vie de chien comme si le chien chinois, dit de la houpette à poudre, ne menaçait pas déjà, à nos portes, cet édifice patiemment construit d'attentions raffinées.

Je le sens bien, ils ne vont pas tarder à voter ici, les chiens. Visionnaire (on le sait), inspiré (c'est moins reconnu), je me prépare.

Mais, le truc le plus nouveau, ici, ce ne sont pas les chiens, ce sont les écureuils. Au début, j'ai crû qu'ils passaient ici par hasard, limite pour jeter un oeil aux nouveaux non millionnaires du quartier - ce serait presque méprisant comme animal, l'écureuil.

Mais non, ça passe, ça repasse, et dans tous les sens en plus, à l'envers, à l'endroit, ça se course, ça sautille, ça chahute sur les arbres, les fils électriques, les escaliers, les parterres. Et encore, je vois pas tout. Il faut dire que je n'ai pas que ça à faire, non plus, faut quand même pas déconner.

Il y a un économiste qui soutenait récemment qu'avec le malheur de la faim dans le monde et notamment des heures supplémentaires non encore défiscalisées, il manque un peu de contemplation dans nos existences. Un beau métier, économiste, il faudra que je reconsidère ma position adoptée, sans doute un peu hâtivement il y a une quinzaine d'années, après les explications de Fitoussi sur le modèle IS/LM.

En tout cas, je m'inscris d'ores et déjà dans cette nouvelle tendance économique visionnaire : un quart d'heure d'écureuils par jour, et hop, le tour est joué. Après ça, on peut dépecer la planète et écraser ses voisins, on se sent tout de même mieux, plus aériens, enfin en paix avec soi-même.

Cela dit, j'ai comme l'impression qu'ils s'en foutent un peu, les écureuils, de la contemplation. Non, ce qu'ils veulent, eux, c'est de la noisette fraîche, et de la bonne. Des vrais drogués. Au début, je lâchais bien de temps en temps une croûte de fromage - de chez Wholde Food Market -, voire une chute de pizza - même provenance, ça rehausse tout de même la beauté du geste. D'ailleurs, comme je n'avais pas encore détecté l'hyménoptère dans les parages, je me disais que ça mangeait quand même beaucoup comme bestiole, la fourmi américaine. Une stupide erreur de diagnostic qui, sans aller jusqu'à m'empêcher de dormir, m'a tout de même laissé perplexe quelques jours.

Petit à petit, j'ai commencé à balancer de la noix de cajou, de l'amande et même, tout récemment, de la pistache. C'est drôle la pistache, surtout quand ils montent aux arbres avec - il y en a un qui s'est fait une espèce de fauteuil, là, sur une demie branche surplombant le jardin - vu qu'il leur faut d'abord écarter les deux coquilles tout en conservant la pistache à l'intérieur.

C'est technique. L'écureuil qui a un CAP, il s'en sort. Mais le malheureux qui a fait Centrale, HEC ou Science Po, il est cuit : quand la pistache s'ouvre, il perd la coquille et la pistache avec. Et, il faut bien le dire, il a l'air un peu ballot, après ça, à regarder partout, le sourcil froncé, genre : c'est qui qui m'a piqué ma noisette ? Je me demande même s'il ne serait pas un peu soupçonneux à mon égard, dans ces moments-là, l'écureuil qui a fait Science Po. Où ça mène l'avidité. Il n'y a décidément aucun esprit de corps dans cette école.

D'ailleurs, quand j'en fait trop pleuvoir, de la noisette, ils essaient chacun d'en ramasser le plus possible, les goinfres - ça castagne un peu, par la même occasion et, à mon avis, il y a aussi un problème de parité, chez eux, aggravé par un problème de chapardage de noisette tout de même assez rustre - vu qu'il reste difficile de faire les courses et de manger en même temps. Ils enterrent ensuite leur butin où ils peuvent, en espérant que leurs potes ne les voient pas, ce qui est bien sûr une illusion, vu que tout finit par se savoir dans le quartier, je le sais, en Nouvelle-Calédonie c'était pareil. Pire peut-être.

Et puis bon, un jour, ça a fini par m'énerver ce défilé zoologique, du coup, je leur est livré en pâture une poignée de Haribo épicés de toutes les couleurs (un truc réellement inmangeable, acheté par erreur chez Giant Eaggle). Pas de bol, ils ont clairement eu l'air d'en raffoler. Je ne sais pas quel genre d'ingrédients psychédéliques ils mettent là-dedans chez Haribo mais, au vu des effets secondaires apparents, ça fait quand même peur.

Il y en a même un, le lendemain, qui s'est mis à boulotter les fleurs qu'on avait laissées sur la terrasse - de somptueux oeillets blancs que nous avait offerts Fred, le voisin de derrière, pour Memorial Day. S'il a vu le carnage en passant, il a dû se dire qu'on était vraiment des sales types - il a tout de même libéré la France, en 44, le Fred, et d'ailleurs, on dirait qu'il n'a pas lâché sa casquette de Commander in Chief depuis - ou alors qu'on adorait les oeillets à un point qu'il ne soupçonnait pas. Voire qu'on avait vraiment très faim.

C'est sans doute cette dernière option dont, localement, la malséance le dispute à l'exotisme, qu'il a retenue : le lendemain, il nous invitait à un apéritif avec les francophiles du quartier. On a évité de se jeter sur les petits fours pour infirmer la thèse de la faim ; du coup, je ne suis pas sûr que nous n'eussions commencé à accréditer celle de la soif.

Si la vie est un confluent de dilemmes qui finissent par se noyer dans une vallée de larmes, après tout, autant que ça soit dans la Sonoma.

En tout cas, je leur passerais un ou deux comprimés d'ecstasy à la place, aux écureuils, que ça serait pas pire. Des vrais maboules. Mettons qu'on se fasse un ou deux petits écureuils au barbecue un de ces jours, il faudra quand même bien faire attention à en choisir un élevé au maïs et à la noisette fraîche, sinon, je ne réponds plus de rien, ça pourrait bien nous faire vraiment bizarre, à nous aussi, le Haribo épicé, par contrecoup.