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12/04/2007

Free Style (1) Entre deux mondes

C'est parti un soir, comme par bravade, l'été d'après mon retour des antipodes à Paris, au cours d'un dîner chez Jean-Pierre et Virginie. Il y avait aussi Jeff et Corinne - deux compères, deux aînés de mes années de khâgne, à Jeanne d'Arc, dans le cercle qu'animaient à l'époque Claude, Jacques, Catherine - tous les anciens du Guermantes qui se retrouvaient à La Tonne. Dès cette époque, il me semblait intuitivement que les apprentissages se faisaient au moins autant à l'extérieur qu'à l'intérieur des institutions, si peu aptes à transmettre les passions qui donnent les envies de conquête. N'en eussè-je pas, au reste, été encore tout à fait convaincu que ce cercle de libres-penseurs redoutables aurait eu tôt fait de parachever la démonstration.

A l'époque, Jean-Pierre poursuivait une quête singulière. Tous les six mois, il choisissait une spécialité et s'y investissait totalement. Psychanalyse, billard français, initiation à la Rose-Croix, immersion dans la physique quantique, lecture de la Recherche, pratique du karaté... en atteignant, dans chacune de ces disciplines, un niveau honorable. Etonnant. Il a fini par se stabiliser sur la plongée, et le parachutisme... Et, lançant l'idée ce soir-là, par m'embarquer dans l'aventure, pour le mois d'août qui suivait.

D'ordinaire, Virginie, à la fois fine et musclée, baroudeuse et en même temps posée, était de la partie - ce qui est toujours vrai pour la plongée. Mais, après le dernier incident - un saut en automatique mal engagé tout au long duquel elle s'était battue pour libérer sa jambe happée par les suspentes au sortir de l'avion, et y parvenant in extremis, elle avait, du moment où elle avait touché le sol, stoppé net - et à jamais - l'expérience.

Un an déjà que j'étais revenu en France et, sur le plan personnel, je n'avais pas encore vraiment atterri. Côté boulot, c'était parti comme en quarante - je ne pris d'ailleurs cette année-là que quatre ou cinq jours de congés. Je m'étais totalement investi dans mon nouveau job de dircom du groupe ; et puis, on préparait un peu de barouf dans le Nord, pour la rentrée.

Mais c'est comme si, psychologiquement, je ne pouvais m'empêcher de penser et de sentir en référence à la Nouvelle-Calédonie, aussi bien par un effet d'hystérésis que par une sorte d'antidote organique contre la grisaille ambiante, qui ressemblait tout de même d'assez près à une vaste dépression collective - loin, très loin de la lumière éclatante des antipodes. Je restais, pour ainsi dire, en suspension, entre deux mondes.

Je n'imaginais pas à quel point, cette fois, j'allais atterrir pour de bon.