10/04/2007
Fin de partie (1) L'aventure, c'est l'aventure
Discours de départ - vendredi 26 janvier 2007.
"Nous avons manqué un peu de temps ces dernières semaines, Monsieur le Président, mais je voudrais tout de même partir dans les règles. Je vous propose de profiter de l'occasion de ce pot de départ pour faire mon entretien annuel d'appréciation in extremis devant vous - un entretien élargi, pour la circonstance aux années qui ont précédé, et mené d'une façon un peu plus libre que ne se conduit d'ordinaire l'exercice.
Pour ce faire, je vais passer en revue les principales rubriques de la trame d'entretien concoctée, avec talent cela va sans dire, par la DRH Groupe. Je me suis permis chemin faisant, pour gagner du temps dans cette période chargée, de compléter les rubriques "commentaires du n+1". Comme il est aussi prévu ici ou là des commentaires pour le n+2, j'ai pensé que Dominique, notre DRH Groupe, assumerait vaillamment cette lourde charge.
Ancienneté dans le Groupe : Cela fait bientôt dix ans que je viens de passer au sein d'Eramet. Un double quinquennat, en quelque sorte. Je me serais bien présenté pour un troisième mandat, mais Bernadette m'en a empêché en me suggérant d'aller plutôt me cacher dans l'Ohio.
Enfin, Bernadette, c'est une image.
Intitulé du poste : Je ne vois rien d'autre comme intitulé qu'une formule brut de décoffrage du genre : "Faut savoir tout faire". Je puis en tout cas certifier que le job de directeur de la communication à la mode Eramet n'est absolument pas identifié dans le répertoire officiel des métiers, version ANPE. Cela fait tout de même deux rendez-vous que nous sommes sur le sujet avec mes nouveaux amis ; et ce ne sera pas de trop d'un troisième entretien technique pour dénicher le bon identifiant. A ce stade, j'ai quand même peu d'espoir.
Date de prise de fonction : Je suis rentré dans le groupe le 1er novembre 1997. Mais j'ai un doute affreux tout à coup : entre le premier contact et mon embauche effective, il s'est écoulé quasiment huit mois, le temps d'une petite dizaine d'entretiens.
Quelqu'un aurait-il hésité quelque part ?
Inversement, les voies de la mobilité seraient-elles impénétrables ? Entre la décision de mobilité et mon retour effectif de Nouvelle-Calédonie, il s'est en effet écoulé un an. Je vous confirme que, sur un plan plus personnel, cela peut créer quelques désordres injustes.
Principales missions du salarié : Il faut clairement distinguer, là-dessus, entre les missions officielles - à la mode Eramet, cela va sans dire -, et des aspects moins connus du job (dont on s'est d'ailleurs bien gardé de faire état dans ma fiche de poste).
Côté officiel, le boulot s'apparente souvent dans la maison à une fonction d'avocat. Les mauvaises langues usent plus volontiers de l'appellation "baratineur". Consécration suprême, il m'est même arrivé de me retrouver intronisé "chef de la propagande".
Un vrai bonheur.
Une deuxième fonction répertoriée au titre des missions officielles et qui vient juste après, est celle de prêtre. Il y a en effet clairement des sujets dans le Groupe pour lesquels, sans la foi, point de salut - et c'est moins son âme que sa peau qu'il s'agit ici de sauver.
Rédacteur reste aussi un des métiers de base de la fonction. J'ai calculé que j'ai dû rédiger un millier de notes environ depuis mon entrée dans le Groupe. Combien ont fini en cocottes ou, chez Aubert & Duval, en avion de papier ? Je confesse n'avoir pas eu le courage de mener une enquête sérieuse sur le sujet.
Enfin, metteur en scène, avec les développements récents de la video dans le groupe, est aussi à compter parmi les nouveaux coeurs de métier de la fonction. Cela nous ouvre de nouvelles perspectives.
Les choses dégénèrent un peu du côté de la face obscure de la force - de travail s'entend, je pèse mes mots.
Un aspect peu connu de la fonction, mais qui fut tout de même un de mes premiers jobs en Nouvelle-Calédonie, est celui de peintre. Je n'évoque pas ici je-ne-sais quelle dimension artistique de la fonction, non, mais bien un job de peintre en bâtiment, l'un des premiers au reste qu'il m'ait été donné de pratiquer à la SLN. Ce n'est pas que je sois, au départ, très doué pour le bricolage (il n'y avait pas l'option à Sciences-Po) ; mais, la veille d'un voyage de presse, nous nous sommes avisés avec Bernard Catteau, le DRH de l'époque, que le mur des ateliers municipaux qui faisait face à l'usine de Doniambo, couvert d'inscriptions plus ou moins chaleureuses à l'égard de l'entreprise, gagnerait à être relooké. Première approche de la division du travail entre la communication et les relations humaines : c'est Bernard Catteau qui tint la lampe, et moi qui repeignis le mur. Depuis lors, avec des dernières missions dédiées à la communication sur la stratégie auprès du Président, je confirme que l'on peut chez nous gravir les échelons ; mais on ne se paye pas de mots chez Eramet, et c'est bien au sens premier des barreaux de l'échelle qu'il faut comprendre le démarrage de l'ascension.
Un deuxième aspect officieux de la fonction est celui de traîteur. J'ai dû organiser en dix ans une centaine de petits déjeuners, représentant environ 5000 viennoiseries.
Cinq fois plus que de notes.
A la SLN, le signe "COM" était d'ailleurs vite devenu, dans ces conditions, l'acronyme de "Conversation en Mangeant" : il fallait bien se nourrir aussi le midi, et le soir dans la foulée. Faute de m'être avisé à temps de développer les relations avec les écoles, je ne vois guère que le goûter - personne n'est parfait - qui fut épargné dans cette politique de relations publiques tous azimuts, connue sous le nom de "stratégie de contournement de la cantine". Après tout, il est généralement admis qu'un jeune embauché n'occupe pas 100 % du poste d'entrée de jeu.
On veillera à ne pas oublier la fonction de commando, susceptible de se transformer en opération kamikaze quand la mission dérape. J'ai relevé de même celle d'agent secret - mettons, compte tenu des fonctions énumérées précèdemment, tout de même plus agent que secret.
Voilà pour ce rapide inventaire d'un métier dont les compétences de base me semblent encore trop méconnues, et pour lequel, dans ces conditions, un bac + 10 me semble clairement devoir être envisagé pour l'avenir. Sachons placer haut la barre, de l'échelle.
Moyens à disposition : Compte tenu de ce qui précède, j'ai distingué pour l'essentiel entre les moyens en périodes paisibles: pinceau et plateau ; et ceux pour temps plus agités: abri refuge et solide assurance vie, soit contre les jets de papayes mûres entre Bouloupari et Thio, soit encore contre les risques de flingage à la mode texane.
Il y a tout de même des moments, dans ce métier, où il faut savoir se faire oublier.
07:09 Publié dans L'adieu aux armes | Tags : Eramet, SLN, Aubert & Duval | Lien permanent | Commentaires (0)