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04/08/2009

Rambaud m'a tuer (1) C'est encore loin la mer ?

NB : Je republie ici une note de la fin 2007, qui manquait à la série "L'amour en Vénétie au temps des Brigades rouges".

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C'est Yves Rambaud qui m'a recruté chez Eramet. C'était en 1997, un peu avant le printemps. Après un court séjour comme directeur de cabinet en collectivité locale - ayant débarqué, hors du sérail, en pleine campagne électorale, j'y ai appris en six mois deux ou trois choses très utiles -, je me morfondais au Quai d'Orsay comme dans un asile, quand on arrête de prendre ses pilules.

La première année, j'ai pourtant attrappé au passage tout ce que je pouvais, au-delà des dossiers politiques que je suivais en propre à la direction d'Asie et d'Océanie. Etudes de fond pour la conférence annuelle des Ambassadeurs qu'avait instituée Juppé un peu plus tôt, suivi pour la direction des travaux d'un comité de réorganisation des moyens extérieurs de l'Etat, quelques cours d'arabe..

La deuxième année, des relais d'activité se sont vite avérés nécessaires. Je m'en suis tiré en consacrant une partie significative de mon temps à donner des cours de questions européennes et internationales à la Sorbonne, et à monter un enseignement de culture générale en interne, pour donner un coup de pouce à ceux qui voulaient monter en grade.

Un bon souvenir, d'ailleurs, ces cours maison : la consistance de l'auditoire, plus âgé, plus engagé aussi, donnait aussi à ce cours des allures de séminaire. Elle me changeait de l'apathie des jeunes gens de Saint-Michel : vingt ans après 68, on avait aussi peu de chance d'attrapper un pavé perdu en traversant le boulevard que de croiser une idée originale en arpentant la salle. C'est aussi que, dans la filiation directe du laboratoire intellectuel que furent les classes préparatoires à Normale Sup, je concevais ce qu'on appelle "la culture générale" moins comme l'inventaire de savoirs laborieusement ordonnancés autour de sujets de dissertation plus ou moins heureux, que comme une mise en relation de disciplines variées au service d'une réflexion vivante. Quoique j'y misse les formes, cette approche convenait sans doute davantage au second qu'au premier cercle.

A l'évidence pourtant, le compte n'y était pas. Je n'avais pas renoncé pour rien, un an plus tôt, à la voie universitaire : j'avais besoin d'action. Et ce beau métier - dont j'avais endossé le rôle et l'ambition à vingt ans dans une soirée de khâgneux - tournait au cauchemar sous l'autorité d'abord d'un guignol, au demeurant plutôt sympathique, puis d'une folle, qui - le cas n'était pas si rare - donnait un sens à son existence en corrigeant chaque mot de chaque note, chaque ponctuation de chaque télégramme, chaque étiquette de chaque dossier.

Au début, j'ai cru que c'était pour rire, ou alors que c'était une sorte de bizutage. En fait, non. J'en étais à un point où je commençais à écrire des phrases du type : "La balle - en rajoutant : de la répression - est désormais dans le camp de la junte" (birmane). Ou je diffusais à mes camarades de promotion, à côté des télégrammes officiels, des compte rendus de réunions à Bruxelles plus officieux et, disons, plus divertissants que les pensums d'usage, qui faisaient office d'exutoire. L'un d'eux, à la manière de Marguerite Duras, a fini par tomber dans les mains du chef d'une de ces délégations qui avait le goût des lettres, mais pas le sens de l'humour. Bref, j'étais à peu près aussi mûr que Romain Gary finissant par commenter dans ses télégrammes quotidiens la qualité des flocons de neige qui tombaient sur Bâle.

Aujourd'hui encore, inconsciemment, j'essaie de ne porter que les corrections qui me semblent essentielles aux papiers qui me passent entre les mains. Et je crois que j'ai gardé, non pour moi-même, mais pour la jeune génération qui entrait alors dans la carrière, une partie de la colère contre ce système d'un autre âge qui, aux antipodes des réformes audacieuses qu'entreprenaient alors le Canada ou le Japon, ne comprenait pas qu'il mourrait à petit feu. Quand je pense au potentiel d'enthousiasme et aux qualités intellectuelles gâchés dans cette machine à broyer les talents, je suis tout de même à deux doigts de trouver Sarkozy un peu mou du chapeau.

Et puis, pour couronner le tout, un responsable de second rang fantômatique, qui cherchait sa place entre la relecture des télégrammes de second rang et le respect des consignes de sécurité, en cas d'incendie - on ne sait jamais. Délicieux, mais inutile (je l'ai recroisé à Montparnasse, une petite dizaine d'années plus tard : enfin devenu ambassadeur, il passait l'après-midi dans une librairie du coin avec un chihuahua, ou quelque chose approchant ce format). Je m'ennuyais tellement que, dès la fin de la première année, j'avais failli me laisser tenter par un poste diplomatique, chiraquien en diable, en Polynésie... J'en fus heureusement dissuadé in extremis par mon patron de l'époque. Pour aggraver mon cas, à la cantine, je commençais à parler reconnaissance et performance sous les yeux, attentifs mais héberlués, de mes camarades.

Décidément, je m'étais égaré.

Et il me serait à l'évidence difficile de tenir encore un an jusqu'aux trois années réglementaires avant de prétendre partir en poste à l'étranger. Trois ans... c'était le délai estimé nécessaire pour bien comprendre le fonctionnement de la centrale avant de prendre le large. Pour le coup, c'est moi qui ai manqué d'humour.

Là-dessus, je suis informé un matin par un collègue bienveillant qu'un cabinet fait la chasse dans la direction pour un poste de directeur de la communication basé en Nouvelle-Calédonie pour le compte d'un groupe minier. Je m'étais toujours dit en quittant le territoire en 1994, après une coopération et un DEA d'ethnologie, que j'y reviendrais volontiers un peu plus tard, s'il y avait quelque chose d'intéressant à y faire. Voilà qui ressemblait à un clin d'oeil du destin. Je rappelais le cabinet dans la foulée.

Commentaires

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Écrit par : Dissertation | 07/06/2010

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Écrit par : Dissertation | 07/06/2010

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Écrit par : Dissertations Writing | 08/10/2010

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